La bigamie, c’est quand une personne se remarie alors que son premier mariage n’est pas dissous. C’est donc un délit puni par la loi.
1851. Jacques se marie avec Marguerite en Corrèze. Pendant 3 ans, le couple vit ensemble. Et puis Jacques a l’opportunité de travailler pour les chemins de fer, comme de nombreux ouvriers. Il laisse femme et nouveau-né et part en Aveyron dans la région de Najac pour se faire embaucher.
Il croise alors la route de Charlotte avec qui « il ne réussit pas à avoir de relations coupables »… donc il la demande en mariage à ses parents. La proposition est plutôt bien accueillie.
Personne ne le connait dans la région, donc personne ne sait qu’il est déjà marié.
Jacques repart dans son village sous le prétexte d’aller chercher les papiers nécessaires pour son mariage. Il y retrouve femme et enfant qu’ il couvre de caresses. “Jacquou” donne même des signes d’affection à sa belle mère. « Je serai votre bâton de vieillesse.» Mais ce qui serait bien, c’est que sa belle-mère pense à faire une donation à son petit fils….
Jacques explique qu’il gagne beaucoup d’argent avec son nouveau travail et que pour cette raison, il va repartir . C’est ce qu’il fait avec les actes de décès de ses parents.
Charlotte attend son fiancé depuis 10 jours. A son retour, il a même le droit d’habiter chez sa future belle-famille . D’ailleurs, il a un bon argument : « il était mal logé à l’auberge où il était !»
Mais les papiers qu’il a apportés ne sont pas suffisants, il doit écrire à la mairie pour en demander d’autres. Cette fois, c’est bon, le dossier semble complet. Les bans sont publiés.
Jacques en profite alors pour emprunter de l’argent à son futur beau-père (300 francs) pour acheter les habits de noce à Villefranche de Rouergue car « il a perdu sa bourse. »
Le mariage a lieu quelques jours plus tard.
Jean Grama a vécu 6 mois dans la région de Najac sans croiser Jacques. Et puis un jour, les deux compatriotes se sont vus dans un café. De retour chez lui, Jean parle de sa rencontre à son épouse. Celle-ci lui rétorque : « sa première femme est morte ? » Il n’a posé pas la question car il ne savait même pas qu’il était marié ! « Ils avaient même un enfant… » ajoute-t-elle.
Jean écrit « au pays » et demande à sa mère si la femme de Jacques est morte. Ce qui n’est évidemment pas le cas. Et puis la question est posée franchement à Jacques, un jour où il vient chez Jean. Il avoue s’être remarié sans être veuf.
Quand les gendarmes viennent chercher Jacques, tout le monde tombe des nues. Cela fait 3 ans qu’il est dans la région et personne n’a jamais dit du mal de lui. C’est ce qui a poussé Charlotte « à le prendre presque en aveugle.»
Le beau-père n’a jamais imaginé écrire en Corrèze pour avoir des informations. Pensez, son gendre était irréprochable !
Les deux femmes viennent témoigner au procès.
Marguerite est habillée de noir . Elle dit qu’elle l’aimait et qu’elle l’aime encore. Même s’il a vendu une partie du mobilier. Même s’il a récupéré son anneau en argent en disant qu’il penserait à elle quand il le regarderait.
Charlotte est dans un état avancé de grossesse. Elle ne peut raconter que ce qu’elle a vécu au moment de son mariage. Elle le croyait libre…
Accusé de bigamie, Jacques dira qu’il a voulu se venger des infidélités de sa première femme et qu’en plus il n’était pas le père de son enfant.
Il est condamné à 6 ans de travaux forcés. Selon son dossier de bagnard, Jacques est détaché de la chaine après 5 ans, suite à une remise de peine d’un an par l’Empereur. Il est alors embarqué pour Cayenne où il décède 11 ans plus tard.
Charlotte se « marie » plus de dix ans après son « faux » mariage.
La mention du mariage est portée de manière obligatoire en marge des actes de naissance des époux depuis le 17 août 1897 selon l’article 76 du Code Civil. Utile en généalogie, elle est aussi un moyen d’éviter les cas de bigamie. Cette histoire intervient avant 1897, donc il n’y a pas de mention sur les actes de naissance des futurs époux.
De plus, il n’y a pas de mention sur l’acte du deuxième mariage pour expliquer que cet acte est atteint de nullité. Et il n’y a pas de transcription dans les registres d’état civil du jugement. Si on s’en tient au registre d’état civil , on ne peut pas soupçonner cette affaire.
Dans cette histoire, vous avez probablement lu la phrase “les bans sont publiés” que j’ai volontairement précisée. La publication de bans dans les mairies des futurs époux permet de porter à la connaissance du public l’intention de se marier. Et donc, si quelqu’un est déjà marié, d’ empêcher la bigamie en prévenant le maire.
Or Jacques n’a plus “ni parents ni aïeux” et est domicilié en Aveyron. Il y a eu un seul lieu de publication: en Aveyron. La publication n’a pas été faite en Corrèze. De plus, il est majeur et peut se marier sans aucun autre intervenant.
Par ailleurs, les extraits d’acte de décès des parents ont été délivrés par le greffier du tribunal de Brives, pas par le maire… Personne ne s’est interrogé du besoin de ces documents.
Et pour rappel, le divorce était interdit entre 1816 et 1884.
© 2021 Généalanille - Article publié le 28 février 2021
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