« Si mon mari est mort c’est que ma fille a trempé la soupe et que son mari l’a salée. »
26 novembre 1858. Le juge d’instruction et son greffier, le procureur impérial et deux médecins se rendent au cimetière de Centrès pour faire exhumer un corps.
Ils ont convoqué des témoins : le fossoyeur qui a creusé la tombe, la personne qui a fait la bière, celui qui a enseveli le corps, et les porteurs. Certains d’entre eux sont décédés comme le confirme le curé.
Il y aussi deux accusés : Victor Canitrot et sa femme Marie.
Les témoins indiquent la tombe demandée : à l’extrémité Est de la porte d’entrée dans l’axe de celle qui est à côté de la porte de l’église. Et ils se souviennent même que la bière n’était pas posée à plat mais que les pieds étaient plus hauts que la tête.
Quatre hommes sont désignés pour creuser. Le sol est recouvert de gazon et il n’y a pas de croix ou de mausolée. Seule une pierre enfoncée dans la terre signale la présence de la fosse.
A un mètre de profondeur, la bière décomposée apparait. On voit la tête. Puis un des docteurs descend dans la tombe pour enlever la terre à la main. Le squelette apparait. Sans chair, ni viscères. Pensez, il est décédé depuis 5 ans. Le crâne est prélevé et observé. Il lui manque des dents. Le défunt avait-il des dents à la mâchoire supérieure ? Comment savoir ! Les docteurs prennent ensuite une omoplate, puis une autre… allez il faut récupérer des indices !
On prélève des restes du cadavre et de la terre du cimetière. Les détritus, terre et ossements sont placés dans des pots . Ceux-ci sont ensuite recouverts d’un morceau de parchemin, ficelé, cacheté avec de la cire rouge et scellé du sceau de la justice.
Cinq pots : 4 pris au niveau du ventre, du thorax, au dessous de la tête et vers les pieds. Un pot contenant uniquement de la terre du cimetière.
Et puis, comme il n’existe pas à Rodez de quoi analyser le contenu de ces pots, ils sont placés dans une caisse en bois de sapin, cloutée et scellée avant d’être expédiée à Montpellier .
Antoine Enjalran est mort subitement en février 1853. Il vivait alors avec sa femme, sa fille Marie et son gendre Victor. Tout le monde avait été surpris : il semblait en bonne santé. Même le curé a trouvé la mort rapide.
Bien sûr, la veille de sa mort il avait dit « j’ai une méchante fille, elle m’a menacé de m’empoisonner» mais bon, pas de quoi s’inquiéter. Pas plus, d’ailleurs, quand, quelques jours après sa mort , la veuve a dit « si mon mari est mort c’est que ma fille a trempé la soupe et que son mari l’a salée. »
Montpellier a envoyé son rapport d’autopsie : les 4 pots contiennent de l’arsenic alors que celui du terrain du cimetière n’en a pas. Antoine a été empoisonné !
Son gendre, Victor possédait de l’arsenic dont il se servait pour empoisonner les rats.
Ce n’est que 5 ans et demi après la mort d’Antoine que les gendarmes ont appris la rumeur. La veuve disait à sa fille « Tu veux me faire de la lessive comme tu as fait à ton père ». Ce qui, d’après le très sérieux rapport du gendarme explique un empoisonnement « car lessive veut dire empoisonner en terme patoit usité dans le pays. » (Les interrogatoires utilisent l’expression « donner du lessif. »)
Après enquête, il s’avère que le père subissait des mauvais traitements et était réduit à mendier son pain. Il n’a jamais eu le bonheur de goûter une soupe faite par sa fille…. sauf la veille de sa mort.
Interrogée, la fille dira qu’il est mort d’une crise d’asthme … et qu’il avait toujours les pieds enflés !
Après un procès où Victor et son épouse se renvoient la balle, le verdict finit par tomber. Le gendre, Victor, est acquitté. Marie, la fille est condamnée aux travaux forcés à perpétuité. Elle se pourvoit en cassation . En 1872, sa peine est transformée en 20 ans de travaux forcés. Deux ans plus tard, elle bénéficie d’une remise du restant de sa peine. Elle meurt donc 33 ans après sa condamnation dans sa commune.
Par conséquent, en généalogie , si on se contente des registres d’état civil, on ne peut pas deviner ce qui s’est passé dans cette famille.
Et pour rappel, selon l’article 727 de l’ancien code civil, toute personne ayant commis un parricide peut être déclarée « indigne de succéder » . Les faits n’ayant été connus que 5 ans après, la succession était réglée depuis longtemps. Cependant, cette déclaration d’indignité pouvait être formée par un autre héritier dans les 6 mois qui suivaient la décision.
© 2021 Généalanille - Article publié le 7 mars 2021
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