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Une stèle au bord de la route

Une stèle au bord de la route, c’est fréquent. Quand elle est érigée par ses amis après qu’un homme soit assassiné, c’est plus singulier.

La stèle est à flanc de colline le long de l’actuelle départementale 74 à Saint-Séver-du-Moustier en Aveyron. La plaque est composée d’une photo qui s’efface et porte la mention « Les amis de St Séver à la mémoire de leur camarade Jean Béziat tué assassiné le 10 novembre 1928 à l’âge de 32 ans. Regrets sincères de tous. Oh vous qui passez, un souvenir une prière. »

Comme le 11 novembre a dû être douloureux dans ce village !

Deux familles de Saint Séver

Louis Guittard a 30 ans. Il est né en 1898 dans cette commune au Pouget. C’est lui l’assassin. De part son âge et sa surdité, il ne participe pas à la Grande guerre. Il est célibataire et vit avec son père.

Jean Béziat a 32 ans. Il est né en 1896, lui aussi à St Séver. C’est lui la victime.

Il part au front en décembre 1915 après quelques mois d’instruction militaire. Blessé au genou par éclat d’obus au Fort de Vaux en 1916, blessé au pied par éclat d’obus à Bikschote en octobre 1917. Evacué pour maladie en avril 1918, il revient à St Séver à la fin de la guerre avec la médaille de la Victoire et la médaille commémorative de la Grande Guerre. Il se marie en 1924 avec Lyda Louise Françoise Verdeil.

Menaces et précautions

Les rapports entre les familles Guittard et Béziat sont tendues. Plusieurs condamnation s sont rendues en 1927 pour des livraisons de sacs de pommes de terre ou des injures à la sorties de la messe. Mais les Guittard sont également en procès avec d’autres de ses voisins, comme Henri Vidal, c’est d’ailleurs Louis qui semble faire les démarches pour son père infirme.

Mais c’est en 1928 que commencent les altercations entre Louis Guittard et Jean Béziat. Le dimanche 12 février 1928, Louis Guittard est frappé et à demi-assommé près de la ferme de la Garnissole. Il accuse à cette époque Jean Béziat et Ernest Vidal (frère d’Henri) d’être les auteurs « de cette violente démonstration. » Ces derniers ne seront pas inquiétés, les « faits signalés n’étant pas établis. »

Le 8 mars, Louis Guittard reçoit son pistolet automatique « le français » calibre 6m/m 35 qu’il a commandé à la manufacture de Saint Etienne .

Le 13 mai 1928, Jean Béziat attaque Louis Guittard au loin du village de St Séver, le menace de mort et sans l’intervention des dames Béziat et Pellegry, il n’aurait pas s’en tirer indemne.

En juillet, Louis Guittard dit à Célestin Michau « il y a à St Séver 2 hommes qui me pèsent et dont je finirai par me débarrasser. »

Le 21 octobre 1928, Germaine Falip, la fiancée de Louis Guittard, revient avec lui de la foire de Lacaune (81). Arrivés à la ferme de la Garnissole, ils croisent Henri Vidal et les deux hommes s’invectent .

Le drame

Pour le drame, c’est donc la veille du 11 novembre qu’il va avoir lieu.

Vers 14H, Jean Béziat négociant à St Séver s’éloignait de cette localité marchant derrière sa charrette attelée d’un cheval. Il fut croisé sur le chemin par Louis Guittard qui allait en sens inverse, un bâton à la main. Deux coups de feu retentirent et des plaintes se firent entendre. Les personnes qui se trouvaient dans le voisinage accoururent, elles aperçurent Guittard qui se dirigeait vers le village en se retournant de temps en temps et elles trouvèrent Béziat étendu à terre, perdant son sang en abondance.

La victime expira presqu’aussitôt, une balle l’avait atteinte aux poumons et au cœur, entrainant une mort rapide.

Louis Guittard se rend à la mairie et déclare avoir tiré 2 coups de feu avec un révolver sur Béziat car il prétend avoir été attaqué à coups de fouet par la victime et s’est défendu avec son arme. Il nie cependant avoir prémédité son geste.

Et après

L’assassin rentre chez lui et raconte ce qu’il vient de faire à sa mère et à sa sœur. Son père n’apprend le crime que quand les 2 gendarmes arrivent à la ferme.

Dans l’autre famille, la mère de la victime était sur la même route que son fils. Elle croise le meurtrier puis, après avoir pris un raccourci et marché quelques minutes, elle entend une détonation et entend Mme Millau dit « c’est l’homme du Pouget qui a tué Jeanou. » Elle comprend et se précipite et reconnait son fils .

La femme de Jean Béziat a vu sa belle mère vers 13H30 qui allait à une châtaigneraie, puis son mari quitter la maison. Ce sont les voisins qui lui rapportent le cadavre à la maison vers 14H30 en lui apprenant le nom de son meurtrier. A 23 ans, Lyda Béziat est veuve avec un petit garçon.

Après, tout s’accélère. Le village est en émoi, le procureur est averti et se déplace dès le lendemain. Louis Guittard est arrêté et écroué à la prison de Belmont.

Les enquêtes de moralité et les interrogations des témoins sont menées dans les jours qui suivent.

Le procès aux assises

Le procès aux assises a lieu en mars 1929. 16 témoins seront appelés à la barre. Louis Guittard est condamné à 7 ans de travaux forcés, 20 ans d’interdiction de séjour et 1500 francs de dommages aux frères et sœurs de la victime.

 

La famille du coupable quitte le village pour aller vivre dans un département voisin. Le condamné est transporté à Cayenne.

Il demande un recours en grâce qui est rejeté le 26 novembre 1932. En novembre 1935, alors que sa peine principale est subie, il demande un nouveau recours en grâce. Des renseignements sont demandés par la gendarmerie en juin 1936 mais tous rejettent cette éventualité : le maire, un entrepreneur et 3 membres de la famille Béziat.

Louis Guittard est réhabilité le 14 octobre 1946.

Les amis de Jean Béziat pour ne pas l’oublier font établir une stèle qu’ils placent à l’endroit du crime.

 

Sources : 4E257/9-AD12, 1R1005-AD12, 1R1027-AD12, 10U1/30-AD12, PER621-AD12, 2U720-AD12, 26 N 749/13 sga mémoire des hommes

 © 2016 Généalanille - Article publié le 3 juin 2016

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