Louise Pierre est soupçonnée d’avoir supprimé son enfant en septembre 1901 à St Ythaire (12) avec la complicité de son apprentie et de son amant, le voisin, meunier.
Le registre d’état civil de St Izaire porte la mention du décès de « (mort né) Pierre Louis » en date du 25 septembre 1901, mais le décès, lui, est fixé au 4 septembre selon l’examen du Dr Canac sur la demande du procureur de la république. L’acte précise qu’une instruction criminelle a eu lieu, c’est donc un probable infanticide.
Entre interrogatoires, enquêtes de gendarmeries et confrontations, on peut extraire du dossier de procédure ce qui s’est réellement passé.
Louise Victoria Pierre est une couturière âgée de 22 ans. Elle habite chez ses parents après avoir fait une formation de 6 mois chez Melle Adèle Gélis, 73 ans, couturière à St Affrique, il y a environ 3 ans. Elle occupe l’atelier du rez de chaussée à St Ythaire et vit dans une chambre au premier étage qu’elle peut rejoindre par une trappe via la cuisine mitoyenne à sa chambre.
La couturière a une apprentie, Marie Sirgues, 17 ans, originaire de Coupiac, qui est à son service depuis environ un an.
Depuis quelques mois, Louise Pierre avait grossi et la rumeur villageoise disait qu’elle était enceinte. Ses parents contestaient cette information puisqu’elle présentait des chemises ensanglantées tous les mois. La jeune femme s’appliquait faire des taches avec du sang de lapin !
Le 4 septembre 1901, son père part travailler à la campagne vers 5 heures du matin et sa mère s’éloigne vers 6H pour plusieurs jours en direction du Languedoc où elle est embauchée pour les vendanges.
Depuis 3 heures du matin, la couturière a mal au bas des reins. Vers 11H, le travail commence, elle monte s’installer dans le lit de son père situé au 2 ème étage. Elle accouche, coupe le cordon ombilical de la petite fille, puis l’enfant meurt 15 à 30 minutes après être né.
Le 15 septembre, Louise Pierre réapparait dans le village, sa grossesse semble « avoir presque totalement disparu ». La rumeur enfle qu’elle aurait accouché et le maire évoque cette information aux gendarmes de passage dans le village. Les habitants se taisent, l’épicière évoque que Marie Sirgues a acheté pour 2 fois 2 sous de camphre, susceptible de faire disparaître le lait des nouvelles mères.
C’est une lettre anonyme du 20 septembre qui va déclencher une nouvelle enquête sur la couturière. On y apprend même que son père est nommé le « bâtard de Romayrol. »
Dès le 21 septembre, des interrogatoires sont menés. La couturière avoue et implique son apprentie et Marius Galzin, meunier du village, qui l’auraient aidé à la suppression. Marius Galzin est son voisin et son amant depuis 2 ans.
Il faut attendre le 23 septembre pour retrouver le cadavre de l’enfant, enterré près de la rivière à quelques mètres des maisons de la couturière et du meunier. La crue des derniers jours a retardé la recherche du corps.
L’apprentie a précisé l’emplacement: c’est un trou « à côté d’une muraille non loin d’un sureau. »
Le docteur Canac est chargé de l’autopsie. Il se plaint de l’état de putréfaction du corps qui, après avoir passé 2 jours dans l’eau, est resté 16 à 18 heures à l’air libre. Il précise la taille, le poids et le sexe de l’enfant, le considère à terme et viable mais ne peut préciser la raison du décès.
Louise Pierre avoue rapidement qu’elle a étouffé sa fille, puis elle dira que l’enfant a cessé de vivre sans action de sa part.
L’apprentie affirme qu’elle ignorait la grossesse de sa patronne avant de se rétracter rapidement. Elle semble jouer une grande part dans la disparition des preuves :
Cependant, l’apprentie, du haut de ses 17 ans, semble avoir surtout obéi à des ordres émis par d’autres personnes.
Marius Galzin est né en 1875 à St Rome de Tarn. Il habitait près de Vailhauzy (commune depuis St Affrique) depuis son enfance avant de venir exercer son métier de meunier en 1899 à St Yzaire.
Il indique aux gendarmes à son arrestation qu’il ignorait que sa voisine et amante avait accouché. Il estime pouvoir être le père, puisqu’il avait des relations intimes avec la couturière. Il a d’ailleurs proposé à la celle-ci d’aller faire ses couches à Rodez à ses frais et d’y abandonner son enfant.
Quant à l’infanticide, bien qu’il clame son innocence, les deux femmes l’accusent d’avoir aidé à supprimer le corps, d’avoir creusé la tombe et organisé la manœuvre.
Les deux femmes vont rapidement impliquer Marius Galzin dans l’histoire. Il est le père probable de l’enfant, il est le voisin, c’est un homme assez fort pour creuser une tombe et il sait prendre les décisions.
La couturière et son apprentie affirment qu’il est venu à la maison le lendemain de l’accouchement et qu’ il a donné rendez-vous à l’apprentie le soir même à minuit à Marie Sirgues près de la rivière. Le prétexte était d’aller laver du linge et d’emporter le petit corps. En attendant, l’apprentie devait fournir au meunier une pelle et une pioche appartenant au père de la couturière.
Marius Galzin aurait attendu jusqu’à 4 heures du matin car Marie Sirgues « se serait oublié. » C’est encore lui qui aurait comblé la fosse qu’il est susceptible d’avoir creusé.
Le meunier affirme, lui, qu’il n’a plus adressé la parole à Louise Pierre depuis le 14 juillet, date où l’a emmenée à Millau voir les illuminations.
C’est le père de Louise qui précise que Marius Galzin était chez lui le mercredi 18 ou le jeudi 19 septembre où il l’a trouvé en compagnie de sa fille et de son ouvrière. Les filles cousaient dans la chambre à côté de la cuisine. Le père se souvient de la date car il pleuvait et il avait dû rentrer à l’improviste chez lui pour récupérer une blouse avant de retourner vendanger. Les jeunes gens parlaient de chemises, à moins qu’il ne s’agisse d’un langage codé entre eux…
Les trois complices sont emmenés d’abord dans une salle de la mairie, puis dans une chambre de sureté à la gendarmerie de Broquiès le 23 septembre avant de rejoindre la maison d’arrêt de Saint Affrique.
Le 27 septembre, Marius Galzin demande à obtenir une libération provisoire pour faire fonctionner son moulin. Il reçoit un refus ferme.
Les voisins et la famille sont interrogés, les aveux de chacun sont confrontés et re-confrontés.
C’est le 31 octobre 1901 depuis la prison que Marius Galzin envoie une nouvelle supplique de 8 pages pour obtenir sa libération conditionnelle. Il joint à sa demande une pétition des habitants du village et une lettre de soutien de la propriétaire du moulin. Il faut dire qu’il est le seul meunier du village et son frère, qui tente de pallier à son absence, n’est pas formé à ce métier.
Marius Galzin essaye de démontrer son innocence et sous-entend le nom d’un autre coupable :
Le jugement a lieu devant la cour de Montpellier en octobre 1901. Six témoins sont appelés à la barre et parmi les pièces à conviction, on trouve le drap qui a servi à envelopper le cadavre mais aussi la pelle et la pioche saisis à St Izaire.
Le 2 novembre 1901, la cour de Montpellier prononce un non-lieu pour l’apprentie. Du fait de son âge, elle ne se rendait pas compte de la gravité de ses gestes et n’a fait qu’obéir.
Les deux autres accusés sont renvoyés vers la cour d’assises de l’Aveyron, et transférés dans la maison d’arrêt de Rodez par chemin de fer le 7 novembre.
Lors de l’audience du 4 décembre 1901, Marius Galzin et Louise Pierre sont acquittés et libérés.
La fin d’année 1901 a été difficile pour tous les protagonistes mais dès l’année suivante la vie reprend.
Ils se marièrent, mais tous n’eurent pas d’enfant…
Sources: 4E238/13-AD12, 4E238/15-AD12, 4E252/15-AD12, 4E70/14-AD12, 6M336-AD12, 2U609-AD12, Journal de l’Aveyron-AD12
© 2016 Généalanille Article publié le 29 janvier 2016
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