Les jugements du peuple par ses propres citoyens est un des principes des cours d’assises. Avez-vous vérifié si un de vos ancêtres avait été juré d’assises?
Du quota par canton aux différentes listes et aux tirages au sort successifs avant d’assister à un procès, voici un exemple de ce long processus pour le juré d’assises de 1884 sur le département du Rhône.
La création du jury d’assises en 1791 voit apparaître le tirage au sort de citoyens pour rendre la justice au nom du peuple français. Le tribunal criminel départemental est remplacé par la cour d’assise par la loi du 20 avril 1810. Cette cour siège dans chaque département.
Son domaine de compétence relève du jugement des crimes contre les personnes (meurtre, infanticide, viol, …) mais aussi contre les biens (vol violent, incendie volontaire,…) ou contre l’état (fausse monnaie, attentat).
La loi du 21 novembre 1872 modifie les modalités de constitution des listes de jurés possibles.
La circulaire du ministre de la justice diffusée le 10 mars 1882 fait référence pour la constitution des listes du jury d’assises.
La règle énoncée dans la loi est d’ un juré pour 500 habitants recensés dans le département. Le nombre de jurés doit être compris entre 400 et 600 pour tous les départements sauf pour la Seine où le nombre de jurés est fixé à 3000 personnes.
Au recensement de 1881 , la population du Rhône est de 741470 habitants, le nombre de jurés de ce département est donc plafonné à 600 personnes.
La préfecture détermine la répartition des jurés en fonction de la population de chaque canton et diffuse cette information le 3 juillet 1883 à tous les maires après avoir obtenu un avis de conformité par la commission départementale.
Dans chaque canton , une commission est réunie pendant la 1 ère quinzaine d’Aout à la demande du juge de paix. Elle est composée :
La commission doit fournir une liste pour son canton contenant le double de noms que celui requis par l’arrêté du préfet.
Les jurés possibles, sont, bien évidemment à cette époque, uniquement des hommes, mais d’autres critères sont définis par la loi :
Par ailleurs, les septuagénaires, ainsi que ceux qui ont besoin pour vivre de leur travail manuel et journalier sont dispensés ainsi que ceux qui ont été jurés dans l’année courante ou l’année précédente.
On comprend aisément que ces critères entrainent la non représentation dans le jury de petits paysans qui sont encore à cette époque partiellement illettrés (l’instruction obligatoire date de 1882).
A cause de toutes ces contraintes, les listes cantonales préparatoires ne varient pas beaucoup d’une année sur l’autre : on y supprime les décédés, les personnes qui ont déménagé, celles qui ont déjà exercé la fonction et on y ajoute les nouveaux noms pour atteindre le quota souhaité.
Pour certains, leur nom reste inscrit de nombreuses années : c’est le cas par exemple de Pierre Carichon né en 1850 à Pommiers qui est sur la liste préparatoire de 1881 à 1886 inclus.
Pour la ville de Lyon, divisée en arrondissements, le principe est le même mais la composition de la commission est différente :
Les jurés de la liste de 1884 sont désignés par les adjoints et conseillers suivants:
Les listes rédigées sont rédigées en double exemplaires . L’une est conservée au greffe de la justice de paix, l’autre est envoyée au préfet avant d’être utilisée pour la liste finale.
La liste préparatoire est parfois annotée d’informations complémentaires (amendes, nouveau, casier….) qui entreront en compte pour la décision finale.
Le nombre de 400 à 600 jurés par département ne comprend que les jurés ordinaires, ceux qui délibèreront et émettront un avis lors des procès d’assises.
Il est prévu une liste de 50 jurés suppléants qui peuvent assister aux procès et ce pour deux raisons principales :
Ces jurés sont désignés avec les mêmes modalités que les jurés ordinaires mais ils sont domiciliés dans la ville où siège la cour d’Assises.
Pour Lyon, la répartition par canton est diffusée en même temps que les quotas des jurés ordinaires.
Les commissions cantonales ayant fourni le double de noms nécessaire, il faut une deuxième concertation pour obtenir les quotas définis par le préfet.
Ces réunions sont faites par arrondissement et les intervenants sont :
La commission de l’arrondissement de Lyon se réunit le 7 septembre 1883 au palais de Justice place de Roanne, celle de l’arrondissement de Villefranche le 24 septembre 1883 à la chambre du conseil du tribunal civil de la même ville.
Comme les intervenants ne sont pas les mêmes, d’autres noms peuvent être proposés pendant ces sessions à la condition que leur nombre ne dépasse pas d’un quart la liste préparatoire.
A la fin de la séance, la liste définitive est établie par canton et par ordre alphabétique dans la limite des quotas imposés et en deux exemplaires.
La liste proposée est transmise au préfet au plus tard le 1 er décembre. Le premier président de la cour d’appel est ensuite chargé d’établir une liste définitive des jurés ordinaires et une liste définitive des jurés suppléants triées uniquement par ordre alphabétique . Il y remplace les jurés déjà décédés, y adjoint la liste des jurés dispensés lors de la session précédente et indique par un repère ceux qui ont siégé lors du dernier trimestre.
La liste de 1884 étant commencée dès le printemps 1883, il est logique qu’un certain nombre de personnes soit finalement dispensé pour avoir siégé dans l’année 1883 (23 jurés ordinaires et 2 suppléants surlignés en bleu dans la liste ci-après.)
L’année civile d’un tribunal est divisée en sessions qui correspondent environ à un trimestre calendaire. A chaque début de session, un arrêt est rédigé comprenant le tirage au sort de 36 jurés ordinaires et 4 jurés suppléants parmi la liste définitive.
Les 4 tirages ont lieu en 1884 les:
Lors du 1 er tirage de l’année, dans une urne sont déposés les 600 bulletins avec les noms, prénoms et numéros d’ordre des jurés ordinaires de la liste définitive et des bulletins sont ajoutés pour les jurés excusés lors du trimestre précédent (4 ème trimestre 1883) s’ils ne sont pas présents dans la liste de l’année.
Le premier président procède au tirage et exclue les bulletins des personnes ayant rempli les fonctions de jurés lors de l’année précédente : c’est le cas de 6 personnes pour cette première session. La liste est complète dès qu’elle atteint 36 noms.
Une deuxième urne est établie avec 50 bulletins pour les jurés suppléants et le premier président en ressort 4 noms selon les mêmes modalités.
Les deux urnes sont ensuite scellées par le premier président et l’avocat général et celles-ci sont déposées au greffe de la cour.
Lors des tirages suivants de l’année, les urnes sont réutilisées en ajoutant le nom des personnes dispensées lors de la session précédente. Après chaque tirage au sort, les urnes sont scellées et déposées au greffe de la cour.
La liste des 36 jurés ordinaires et 4 jurés suppléants de chacune des sessions de 1884 est surlignée en vert dans la liste définitive disponible via le lien hypertexte ci-dessus.
A chaque début de session, la liste des 36 jurés ordinaires et 4 jurés suppléants est soumise à contrôle. Plusieurs cas se présentent :
Rayé définitivement (Sept cas sont recensés sur l’année 1884 (lignes surlignées en orange dans la liste définitive))
Reporté (9 jurés ordinaires et 2 suppléants sur l’année 1884)
Dispensé (cas de 9 jurés ordinaires et 1 suppléant pour l’année 1884)
Juré qui se ne présente pas ou part avant le procès
Chaque procès nécessite la présence de 12 jurés . La composition du jury est établie à partir de la liste imprimée des 36 noms qui est soumise à la défense. Le tirage au sort a lieu le matin du début du procès.
Chaque nom est soumis à l’approbation du ministère public et de la défense. Ces deux parties peuvent refuser un juré et il est alors nécessaire de continuer le tirage jusqu’à avoir le nombre requis.
Par exemple, pour le procès du 29 novembre 1884, sur 36 jurés, 5 sont dispensés ou rayés et sur les 31 jurés restants, 25 noms ont été tirés au sort pour obtenir le nombre nécessaire à la constitution du jury d’assises.
Certains jurés semblent avoir été récusés à chaque procès : c’est le cas de Mr Allègre, clerc de notaire et Mr Détroyat, négociant.
Un procès-verbal indique la liste de ces récusés sans jamais préciser la cause du « rejet ». Parfois le dossier du jugement contient une liste officielle (exemple ci-dessous) à défaut il faut trouver un brouillon de minute (exemple ci-dessus avec la liste des jurés récusés).
Sur les statistiques de l’année 1884 pour le département du Rhône, si votre ancêtre appartient à la liste des 36 jurés de session, il a entre 83 et 94% de chances d’avoir assisté à un procès sauf en cas de dispense.
La bonne démarche de recherches pour vérifier si votre ancêtre a été juré est la suivante :
Sources: 1N146-AD69, U1295-AD69, UV486-AD69, 2U90-AD69, 2U177-AD69, 2U453-AD69, 2U454-AD69, 2U455-AD69, 2U456-AD69, 2U457-AD69, 2U458-AD69, 2U460-AD69, 2U461-AD69, 2U462-AD69, 2U463-AD69, 2U464-AD69, Bulletin officiel du ministère de la justice et Bulletin des lois numérisés par Gallica.
© 2015 Généalanille Article publié le 31 juillet 2015
Net'image : pour la sauvegarde et restauration de vos souvenirs (photo, vidéo et audio)
Clic-archives : la solution facile, rapide et transportable pour numériser des documents (utilisatrice depuis 2017)
Buro Club - Rodez : espace de coworking à proximité de Rodez
Liens Directs
Salons virtuels ou "en présentiels", retrouvez ici les affiches où nous pourrons nous retrouver au moment où la manifestation sera confirmée mais aussi des événements proposés par nos partenaires.