La France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Après la défaite de Sedan début septembre 1870, les prussiens ont largement envahi l’est de la France.
Le général Garibaldi s’installe à Autun (71) dès le 9 novembre 1870 et si des volontaires « dit garibaldiens » l’ont déjà rejoint, d’autres sont toujours sur la route. Certains sont en casernement à Lyon et à Caluire.
Cinq italiens garibaldiens décident d’aller boire un verre le mardi 15 novembre 1870 à Lyon dans un café.
Parmi eux, se trouvent :
Le cinquième nom n’est pas précisé.
Vers 22H30, ils poussent la porte du café de Mme Pichot au 4 de la rue de la loge dans le 5ème arrondissement de Lyon (Quartier vieux Lyon). Les hommes arrivent selon les témoins ensemble ou par un groupe de quatre suivi d’un homme plus gradé.
Dans le café, Mme Pichot joue aux dominos avec Mr Blanc, courrier de St Symphorien le Château qui demeure chez Mr Bordeaux, hôtelier. Ulysse Dubois, cordonnier de 22 ans qui habite juste en face est lui aussi présent.
Comme les italiens ne parlent pas français, c’est la domestique qui se débrouille pour comprendre ce qu’ils souhaitent. Elle leur montre une bouteille sur une table et alors qu’ils font Oui avec un signe de la tête, elle va leur chercher une bouteille de vin.
Rapidement, les hommes vont « s’en prendre » à la domestique et à la nièce de Mme Pichot. Deux d’entre eux cherchent à les caresser. Mme Pichot s’en mêle mais elle est vite elle-même débordée par Paoli Pilate qui veut l’embrasser. Paoli Pilate fait des propositions très malhonnêtes à la femme du café qui lui dit que sa maison n’est pas une maison publique. Mr Blanc repousse l’italien en lui demandant d’être convenable et poli.
Robert Parenti prend alors la nièce par la taille et dit qu’il l’emmènerait malgré elle. Ayant voulu libérer la jeune fille de ses mains, Mme Pichot pousse l’italien qui riposte en lançant un coup de poing dans un carreau qu’il a brisé volontairement.
Les deux soldats sont désignés comme le petit pour Parenti et le grand maigre pour Pilate.
Trois des soldats sortent et « le petit » ne tarde pas à les suivre. Il ne reste que « le grand » dans le café que Mme Pichot retient pour lui demander l’argent de la boisson. Du haut de ses 31 ans, cette tenancière n’est pas du genre à se laisser faire. Alors que l’italien est sur le seuil du café, elle l’attrape par la veste dont un morceau lui reste dans les mains. Paoli Pilate ne compte pas payer et frappe Mme Pichot de coups de poing. Un homme vient au secours de la cafetière mais elle ne sait pas qui. Comme Paoli Pilate est contrarié, il entre à nouveau dans l’établissement, pose sa veste et son képi qu’il jette sur le billard et saisit la tenancière par le cou . Celle-ci semble appeler au secours.
Le 15 novembre 1870 Mr Louis Henry, 54 ans, est chez Mr Labbaye au 2 rue de la loge avec François Maldant dit Bony, 67 ans, sabotier, Mr Philippe garde national qui demeure au-dessus du café et de Mr Buchet.
Alors que les hommes sortent de chez leur hôte vers 22H30 pour rentrer chacun chez eux, ils entendent des cris au secours du café situé au 4 de la même rue. Mr Philippe qui est en avant des autres et qui passe dans l’allée pour monter chez lui se précipite et prend à bras le corps Paoli Pilate. Il parvient à le mettre dehors.
Mr Philippe reçoit un premier coup de couteau à gauche vers l’aine. L’italien est dehors mais il se jette sur Mr Philippe qui lui barre le chemin du café en écartant les bras et lui assène un deuxième coup de couteau vers l’ombilic. Mr Philippe revient au café en suffoquant et en disant qu’il a reçu 2 coups de couteau (Mme Pichot n’a rien vu, la scène se passant dehors) et il demande une queue de billard pour se défendre.
Aucun des témoins interrogés n’a vu l’arme. Mr Philippe dira plus tard qu’elle était en partie cachée dans la manche de chemise de l’assassin.
Paoli Pilate veut s’enfuir mais il est empoigné par la chemise au niveau de la poitrine par Mr Maldant dit Bony , ancien garde national qui lui dit « malheureux vous méritez que je vous fasse enlever par la garde nationale, ce n’est pas ainsi qu’un volontaire doit se conduire. » Aussitôt l’italien fait un mouvement du bras droit et Mr Maldant s’écrie « il m’a donné un coup de poing ». Finalement c’est un coup de couteau qu’il a reçu au niveau de la poitrine et il a le temps de soulever sa chemise pour laisser apparaître de gros flots de sang (selon un témoin) avant d’aller mourir à l’intérieur du café après être entré à reculons (selon un témoin). Mr Maldant s’effondre presque immédiatement à gauche de la pièce à proximité du billard.
Mr Maldant est mort, allongé sur le dos, laissant visible sa chemise ensanglantée au niveau de la poitrine. Son corps est emporté vers 1H30 à son domicile au 36 Rue St Paul et les clés de l’appartement sont confiées au poste de police de la rue Luizerne. Il est autopsié par le docteur Gromier.
Mr Philippe, doublement blessé, est soigné par un pharmacien, un herboriste puis deux médecins dont Mr Gromier qui fera un premier examen pour le dossier de police.
Mr Philippe fait une déposition sommaire à la police avant de demander d’être raccompagné chez lui (au-dessus du café) pour se reposer vers 1H30. Il est revu deux jours plus tard par le docteur Gromier qui lui prescrit des sangsues et des cataplasmes et décrète 20 jours d’incapacité de travail.
Le 20 novembre 1870, Mr Philippe est annoncé mort dans « le salut public », mais les renseignements pris par la préfecture sont beaucoup plus rassurant : il recommence à vaquer à ses affaires.
La domestique et la nièce de Mme Pichot partent chercher la garde nationale.
Jean Thion, le boucher d’en face était couché quand il a entendu crier « assassin ». Il a vu les italiens partir par la rue Lainerie. Mr Pernot fils, menuisier, était lui aussi couché au 7 montée des carmes déchaussés quand il a entendu crier. Il se lève et va à l’angle de la montée St Barthélémy où il croise Mr Henry qui lui raconte l’histoire. Les deux hommes choisissent d’ aller chercher un piquet à la préfecture plutôt que de courir après les italiens.
Mr Boussard, sabotier voisin du café Pichot, a vu le drame et court derrière l’assassin avec Ulysse Dubois qui était dans le café. Ils retrouvent les italiens sur la place du change et les poursuivent jusqu’au couvent des maristes, montée st Barthélémy, où ils sont casernés. D’autres personnes les accompagnent, certaines préfèreront rentrer chez eux car ils ne sont pas armés, d’autres attendront l’arrivée de la garde.
Alors que la garde arrive à l’adresse dite, Mr Henry et Mr Pernot leur emboitent accompagnés de 60 gardes . Ils retrouvent Mr Dubois qui est resté sur place. Mr Pernot qui connaît les lieux, propose à l’officier commandant, le lieutenant Briguet de la 12ème Compagnie du 12ème bataillon demeurant 9 Rue Lebrun, de faire garder toutes les issues.
Il faut un certain temps pour arriver à se faire ouvrir les portes du couvent et entrer dans le réfectoire. L’officier commandant la caserne est réveillé et averti de l’assassinat qui vient d’avoir lieu. Il fait lever tous les hommes et se mettre en rang, mais Parenti qui est malade est resté couché . Il est finalement reconnu par Mr Henry. Le « grand » reste introuvable jusqu’à ce que Mr Pernot et Mr Henry quittent le réfectoire et croisent deux hommes dans l’escalier qui ne répondent pas à l’appel. L’un deux est en bras de chemise avec des tâches de sang. Reconnu formellement, il est arrêté par les gardes. L’officier de la caserne demande que le « petit » qui est ivre soit également embarqué mais la garde, dans le doute de sa participation, le laisse sur place. Il sera finalement emmené Rue Luizerne une heure plus tard.
Les italiens sont à l’ hôtel de police Rue Luizerne . Le juge d’instruction Bonafos et Mr Bach le directeur de la sureté générale sont arrivés au café mais les gardes ont déjà emporté les pièces à conviction. Celles-ci seront même restituées au coupable pour éviter de prendre froid.
Dès le lendemain, les hommes sont confrontés aux victimes au café et au domicile de Mr Philippe. Ils sont transférés à la prison des recluses , prison militaire. Un peloton est demandé en renfort vers la caserne pour éviter les déprédations des garibaldiens.
Le juge Bonafos du tribunal de 1ère instance du tribunal de Lyon est très en colère contre la garde qui a tardé à l’avertir et qui s’est démise des pièces à convictions . Comme les deux prévenus sont des militaires, il se dessaisit de l’enquête et la transmet au soin de la cour martiale de Lyon.
Les cours martiales sont de nouvelles instances créées par décret du 2 octobre 1870 qui permettent un jugement « accéléré » et dont la sentence est exécutée le lendemain du verdict (sauf s’il s’agit d’un dimanche).
Pendant 2 jours, les différents témoins viendront raconter ce qu’ils ont vu. Les deux italiens sont interrogés avec l’aide d’un interprète , d’Eugène Viala, 30 ans, employé au Crédit Lyonnais demeurant 24 Rue de l’Annonciade à Lyon. Paoli Pilate ne reconnaît pas son crime et encore moins sa veste.
Robert Parenti a une autre version : il reconnaît avoir été au café vers 18H (et non 22H30) mais en être parti peu de temps après. Il a rejoint la caserne car il était malade et une demi-heure ou 3 quarts d’heures plus tard, Pilate est revenu à la caserne et l’a frappé avant de sortir de nouveau. Il n’avait pas les moyens de payer la bouteille, argument qu’ont également donné les autres italiens présents au café.
Le procès a lieu le samedi 26 novembre 1870 à 13H place St François. Les 5 juges ne mettront pas plus de 5 minutes pour décider du destin des deux hommes : Robert Parenti est acquitté à l’unanimité, Paoli Pilate est condamné à l’unanimité à la peine de mort . Son interprète lui lit la sentence et il s’écrie « Ah ! mio Dio ! mio Dio ! io sono innocente ! »
Son exécution est prévue pour le lundi 28 à 13H au grand camp. Un contrordre avancera l’horaire à 8H.
Replacé dans son cachot de 6m2, l’assassin ne semble pas dormir les nuits suivantes. L’abbé Ferrand de la prison des recluses demande à voir l’italien après la messe, il le confesse même le dimanche après midi et lui donne la communion le lundi matin vers 4H30.
Le cortège l’emmène jusqu’au grand camp où il a droit à un verre de vin offert par un soldat. Il se tient dignement et refuse d’avoir les yeux bandés . Face au peloton des francs-tireurs des alpes, il met un genou à terre, jette sa casquette et étend les deux bras. Le coup est tiré, il s’écroule face en avant et sa mort est constatée.
Ses derniers instants sont relatés dans le journal.
Les détachements défilent devant le corps qui est inhumé au cimetière de la Guillotière .
Sources: PR63/8-AD71, 2E1191-AM Lyon, 2E1276-AM Lyon R644-AD69, 2Mi 108R69-AD69, Le petit journal numérisé par la BM de Lyon
© 2015 Généalanille Article publié le 20 juillet 2015
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