Le tribunal de Villefranche sur Saône juge le 19 fructidor an VII (5 septembre 1799) une histoire incongrue : Jean Baptiste Berthoud concierge de la maison d’arrêt de Chamelet, Marie Longefay sa femme, Etienne Combrichon teinturier, Joseph Mathillon cultivateur et Jean Goutelle cultivateur les deux derniers de Grandris sont prévenus d’avoir fait évader de la prison de Chamelet Benoit Rabut déserteur de la première réquisition et Geoffray Gras prêtre rebelle qui y étaient détenus.
Leurs déclarations sont les suivantes :
Le 9 thermidor an VII (dimanche 27 juillet 1799), jour de l’évasion, je suis parti à 4H du matin pour aller moissonner chez le citoyen Josserand de Chamelet. Je ne suis rentré chez moi qu’à huit heures du soir et ce n’est qu’en revenant et avant d’être chez moi que j’ai été informé de l’évasion. On m’a dit qu’elle avait eu lieu entre 6 et 7 heures du soir. Rentré chez moi, je suis allé à la poursuite des deux prisonniers jusque dans le bois du citoyen Burtin maire mais je ne les ai pas rencontrés et comme j’ai pris peur dans le bois, je suis revenu.
Je ne connais pas le nom de ceux qui ont favorisé cette évasion.
Les deux individus qui se sont évadés étaient détenus dans la maison d’arrêt le neuf thermidor, je les avais soigneusement fermés.
Ce jour-là, vers 8 ou 9 H du matin, Pierre Billet de Chamelet est venu pour les visiter, ainsi que le citoyen Désertaud commissaire du directoire exécutif du canton de Chamelet. Le citoyen Billet est sorti, puis le citoyen Désertaud, l’un après l’autre.
Le citoyen est entré à nouveau quelques instants plus tard, accompagné d’Etienne Combrichon et de deux bouteilles de vin . Ils ont bu avec les détenus et sont ressortis.
Deux heures plus tard, Etienne Combrichon est entré à nouveau, accompagné de Jean Goutelle et Joseph Mathillon. Elle les a enfermés avec les détenus et ils ont bu une bouteille de vin.
Marie Longefay est repartie dans sa maison d’habitation située à côté de la prison dont elle est séparée par un mur mitoyen dans lequel il n’existe aucune ouverture qui puisse communiquer à la prison. Occupée à filer sa quenouille , elle a entendu Etienne Combrichon l’appeler pour qu’elle vienne lui ouvrir, ce qu’elle a fait. Elle lui a demandé si ceux qui buvaient avec lui voulait sortir et s’il avait eu le soin de pousser le verrou de la porte de la prison . Etienne Combrichon a répondu qu’il sortait seul et qu’il avait fermé la porte de la prison. Elle n’a pas vérifié elle-même le verrou, faisant confiance au citoyen Combrichon.
Entre 5 et 6 heures du soir, elle a vu des personnes dans la rue qui disaient en riant : « Les prisonniers sont lâchés et ils s’en vont. » Elle a alors compris que le verrou n’était pas fermé et qu’Etienne Combrichon avait procuré aux détenus ainsi qu’aux dits Mathillon et Goutelle les moyens de sortir en descendant un petit escalier qui conduit dans un bas de la prison où se trouve une porte en bize par laquelle ils étaient passés (attendu qu’elle ne se ferme qu’avec une barre en bois en dedans qu’il leur était facile d’enlever).
Aussitôt qu’elle a constaté l’évasion, elle est allée chez le commissaire du directoire exécutif du canton de Chamelet pour lui en faire part et l’engager à donner ses ordres à la gendarmerie de poursuivre et arrêter les détenus évadés. Les courses et recherches des gendarmes ne produisirent aucun effet.
Je suis allé à Chamelet chez le citoyen Aillaud notaire. La mère de Benoit Rabut (le prisonnier détenu) m’a remis du linge à lui porter, ce que j’ai fait.
Je suis entré dans la prison vers midi et j’en suis ressorti environ un quart d’heure plus tard en laissant Benoit Rabut, un autre détenu avec Jean Goutelle et Joseph Mathillon qui buvaient tous ensemble.
Je suis allé à Chamelet pour demander au citoyen Senard la copie de la saisie que j’ai chez Jean Goutelle et pour lequel j’étais nommé gardien et en même temps pour parler au citoyen Aillaud, le notaire.
En passant devant la maison d’arrêt avec ledit Jean Goutelle, nous avons rencontré la femme Berthoud, femme du gardien de prison, et nous lui avons demandé ce que faisaient les prisonniers. Elle m’a répondu qu’ils étaient à boire avec Etienne Combrichon et que si je voulais aller les voir, elle nous ferait entrer dans la prison . J’ai dit à Jean Goutelle : « entrons ! Nous repartirons ensuite ensemble. »
Nous sommes entrés et nous avons vu les prisonniers et Etienne Combrichon. Ils nous ont offert à boire, ce que nous avons accepté.
Un instant après, Etienne Combrichon est sorti avec la femme Berthoud et Rabut et ils se sont parlé. La geôlière est partie et les deux autres sont rentrés et ont continué de boire.
Etienne Combrichon a alors dit aux prisonniers : « Vous devriez bien chercher un trou pour vous évader. » Benoit Rabut a répondu : « il est encore trop de bonne heure, nous verrons le soir. » Etienne Combrichon a rajouté : « lorsqu’on s’en va de jour personne ne dit rien ! » puis est sorti de la prison.
Un instant après Benoit Rabut (le prisonnier) est sorti aussi en disait qu’il allait satisfaire à des besoins. Trouvant qu’il restait « beaucoup », Jean Goutelle lui dit « il reste bien longtemps… Allons voir ! »
Joseph Mathillon et Jean Goutelle sont sortis ensemble et montés de même à la porte par laquelle ils étaient entrés. Joseph Mathillon après avoir frappé à ladite porte et appelé à diverses reprises la geôlière sans qu’elle eut répondu , est redescendu avec son collègue et, arrivés au bas de l’escalier, ils ont aperçu une porte ouverte sans aucune fracture. Ils ont emprunté cette porte et sont partis en suivant la grande rue. Il pouvait être alors onze heures ou midi.
Ils ne se sont pas aperçus quand l’autre prisonnier s’est évadé. D’ailleurs il ne le connaissait pas.
Je suis allé pour affaires à Chamelet le jour de l’évasion des prisonniers.
Je suis allé les voir avec Joseph Mathillon dans la maison d’arrêt bien que je ne connaissais que Benoit Rabut, neveu de Combrichon. Nous l’avons d’ailleurs trouvé là-bas buvant avec les prisonniers et nous avons bu tous ensemble.
Etienne Combrichon est sorti avec Benoit Rabut et la geôlière. Après s’être parlé un instant ensemble, Combrichon et Rabut sont rentrés dans la prison, et nous avons bu à nouveau tous ensemble.
Etienne Combrichon a alors dit aux prisonniers : « citoyens vous devriez bien voir par là si vous trouveriez un endroit pour sortir. » Son neveu Rabut lui a répondu : « nous verrons ce soir.»
Etienne Combrichon a ajouté : « lorsqu’on se sauve de jour on ne risque rien ! »
Un instant après Etienne Combrichon « s’est perdu à ma vue ». Benoit Rabut a alors dit qu’il avait besoin d’aller répondre de l’eau et s’est évadé.
L’autre prisonnier, ayant mis la tête à la fenêtre , a dit « mon camarade s’en va ! » Je l’ai laissé dans la prison avec Joseph Mathillon et je suis monté au-dessus, j’ai heurté à une porte et appelé mais le concierge n’ayant pas voulu me répondre, je suis redescendu et ayant trouvé une porte ouverte au bas de l’escalier je suis sorti par celle-ci. Il était alors onze heures ou midi.
Par jugement du tribunal de Lyon du 16 brumaire an VIII (7 novembre 1799), les jurés déclarent :
Le tribunal déclare Joseph Mathillon et Etienne Combrichon acquittés de l’accusation contre eux portée et ordonne qu’ils soient mis en liberté. Jean Goutelle est acquitté également mais comme il était jugé par contumace, il est ordonné que tout séquestre de ses biens soit levé.
Sources 2U20-AD69
© 2014 Généalanille Article publié le 6 novembre 2014
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