Le meurtre de M. Watrin a donné lieu à un procès retentissant en Aveyron en 1886. Des années après l’affaire Fualdès, c’est un des procès les plus marquants de ce département.
Les accusés sont au nombre de dix :
Henri Lescure est accusé, d’avoir commis une tentative de meurtre sur le sous-directeur Watrin, avec préméditation le 26 janvier 1886 à Decazeville. Il a également porté des coups à l’ingénieur Chabaud.
Pour les autres, ils sont accusés d’avoir ensemble et de concert, commis volontairement un homicide sur la personne de M Watrin et de l’avoir commis avec préméditation.
Pour Bedel, Caussanel et Souquières, ils sont accusés d’avoir par violences, voies de fait ou menaces, maintenu ou tenté de maintenir une cessation concertée de travail dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au livre exercice du travail.
Outre le nombre important d’accusés, c’est bien le contexte du procès qui est hors norme.
Le dossier de procédure contient 765 pièces, et 117 témoins vont être appelés à la barre.
Un troisième assesseur est nommé pour aider le président du tribunal et certaines séances auront lieu de nuit…
Rodez est en proie aux journalistes et aux avocats, tous venus de Paris. « Tous les trains qui arrivent nous amènent des avocats et des journalistes. […] les hôtels regorgent. Il n’y a plus de place. » précisera la presse locale.
Pour assurer le service de sécurité, 200 hommes du 81ème de ligne ont pris place dans la cour et aux abords du Palais de Justice le mardi dès 8 heures du matin. D’autres troupes et des gendarmes sont échelonnés dans la rue Sainte Marthe et sur tout le parcours que doivent suivre les accusés.
Et pour assurer la bonne communication aux journaux, l’administration des postes et télégraphes est renforcée : des employés des villes voisines sont réquisitionnés pour venir travailler dans la cité ruthénoise.
Le premier jour du procès, l’omnibus de l’hôtel Biney, escorté de 8 gendarmes à pied et de 14 gendarmes à cheval achemine les accusés. Tous ont l’air calme à l’exception des deux femmes qui ont les yeux rouges. A 9H la cour entre et le greffier procède à l’appel des jurés. La salle est comble.
Maurice Lemonier, ingénieur à Decazeville, était désigné comme juré, mais comme il fait partie de la liste des témoins, il est récusé.
Le 1er jour, on interroge les accusés et on entend les témoins. M. Blanc à la larme facile. La salle est comble et la tribune des dames ne désemplit pas. Les journalistes occupent un tiers de la salle (40 places) et un employé est mobilisé pour transmettre les dépêches au télégraphe.
Le deuxième jour, les horaires sont respectables : 9H – 11H30 puis 14H-18H. La lecture de l’acte d’accusation va durer une heure. Les accusés ne manifestent aucune émotion. Ils regardent autour d’eux hébétés. Les plans sont distribués aux jurés et aux défenseurs pour mieux situer l’action.
Les pièces à convictions sont ensuite dévoilées : pierres, éclats de bois, épingle à cheveux de femmes, bouton rond, chapeau d’homme, veste, cabas avec une bouteille dedans et une ceinture de mineur.
Les témoins commencent à être entendus. Cela prendra plusieurs jours !
Le jeudi, la femme Pendariès demande à sortir. Elle est accompagnée de gendarmes. Sur son passage, son mari, sa sœur et son enfant se mettent à pleurer et demandent à l’embrasser. Les gendarmes autorisent ce geste de tendresse avant de faire remonter l’accusée dans la salle d’assises.
Le vendredi, la séance de la journée se prolongera en nocturne.
Les accusés sont indifférents. Le jeune Caussanel rit souvent. La femme Pendariès pleure parfois. Ils se cachent une partie du visage dans leur mouchoir pour éviter qu’on ne dessine leurs traits.
Avant la reprise de 14H, un curieux, parmi une foule nombreuse a été heurté par les chevaux des gendarmes. Il s’est cramponné à la baïonnette pour ne pas tomber. Croyant qu’il voulait lui prendre son arme, le gendarme l’a frappé et arrêté.
Dans la salle d’audience, les témoins ne peuvent pas trouver de place. Le président Mattei fait évacuer les 3 premiers bancs du prétoire pour eux.
La presse relève beaucoup de curés et de moines parmi l’assistance. Ils sont soupçonnés de chercher à circonvenir les jurés pendant les pauses !
Le samedi, une nouvelle séance est programmée en nocturne.
Le matin est exclusivement réservé à Mr le procureur général Barradat qui prononce son réquisitoire pendant 4 heures.
A 14H, sur le second banc M. Lescure, M. Bedel, M.Blanc et Mme Pendariès ont chacun un enfant dans les bras- Tous pleurent. Mais la séance va reprendre, les familles sont séparées.
Les avocats entament leurs plaidoiries. Me Laguerre, qui défend M. Bedel et Mme Pendariès fait remarquer que 3 avocats de la partie civile ont disparu : un le samedi matin, deux le samedi soir.
Le dimanche à 11H Le jury entre en délibération.
A 12H05, le verdict tombe : Lescure, Bedel et Blanc et Caussanel sont reconnus coupables. Les autres sont acquittés et mis en liberté immédiate sauf Souquières qui est poursuivi en correctionnelle pour atteinte à la liberté de travail.
Les petits enfants et les grands parents des condamnés émettent des cris plaintifs, si bien que les 4 condamnés n’entendent pas leur sentence. Seul Bedel pleure.
Bedel est condamné à 8 ans de travaux forcés, Lescure à 7 ans de réclusion, Blanc à 6 ans de réclusion et Caussanel à 5 ans de réclusion.
Rodez retrouve son calme dès le lundi et le Monde illustré du 26 juin 1886 relatera le déroulé du procès.
Le journal de l’Aveyron publiera l’acte d’accusation et les audiences du procès dans un supplément (non numérisé).
Certaines plaidoiries seront éditées.
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