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Le Dauphin sinistré – 1944

Le Dauphin, un chaland du Rhône

Construit en 1895, le «Dauphin» est une barque de type chaland du Rhône qui transporte des marchandises générales. La barque en fer, munie d’un pont, a été remise à neuf en 1931 par les ateliers Félizat à Lyon et immatriculée le 03 novembre 1931 LY 882.

Elle est la propriété de la compagnie générale de navigation HPLM (Le Havre, Paris, Lyon, Marseille).

Une assurance est souscrite à la compagnie l’unité à Paris le 1 er juillet 1944 en déclarant une valeur de 425 000 francs pour les risques de navigation.

Un marinier belge

Jules Goffard est né à Huy dans la province de Liège (Belgique) le 18 décembre 1898 d’un père houilleur, il se marie en 1921 à Xertigny dans les Vosges à Marie Marthe Félicie Manté, une ouvrière fileuse originaire d’Uzemain (88). Le couple a 3 enfants, Paulette, Jules et Marcel nés tous les trois à Rasey (88) entre 1922 et 1931.

Dès 1922, Jules Goffard est employé par la compagnie de navigation HPLM . La famille se retrouve à Lyon et loue les terrains possédés à Rasey Xertigny en 1934 à Gilbert Cornu.

En 1944, les deux garçons vivent avec leurs parents sur le bateau.

Le Dauphin saboté

Le 2 septembre 1944, les allemands se retirent de Lyon mais ils prennent soin de saboter les ponts (voir l’ article ) mais aussi les bateaux.

Pour la plupart de ceux-ci, le marinier est évacué par ordre des allemands dans la nuit du 2 au 3 septembre sous la pluie avant le dynamitage . Cette information n’est pas précisée dans le dossier de Mr Goffard, mais aucun membre de la famille n’est blessé lors du sabotage.

Les engins explosifs sont déposés dans la cale du Dauphin dans le magasin N°2. Avec l’explosion, le bordé babord est percé d’une brèche de 1m 2 environ. L’eau envahit les 3 cales arrière et le pont est immergé depuis l’arrière jusqu’au milieu du bateau mais il ne coule pas.

La déclaration du sinistre

Le sinistre est déclaré le 8 septembre 1944 et le constat d’avarie est effectué le 26 septembre 1944. La visite a lieu à flot après renflouement et mise en place de batardeaux.

Les dommages sont les suivants :

  • le côté babord est ouvert sur 1m x1m dans le milieu de la cale et la cloison avant est fortement plissée ;
  • le plancher du pont est détruit sur 5m 2 environ ;
  • les boiseries et meubles du logement arrière sont en partie détruits et sont imprégnés d’eau et de vase. La literie est à remettre en état car hors d’usage.

Toutes ces réparations nécessitent la mise à sec du bateau . Les travaux sont réalisés selon les bateaux au quartier de la Mouche ou dans les ateliers de Chalon Sur Saône (71).

Les objets personnels détruits

Mr Goffard fait, dès la visite de l’expert, la liste de ses objets personnels détruits lors du déblaiement du logement ou disparus. De la nourriture, des vêtements, une montre, des objets divers…

Le montant est estimé à 20 367 francs.

En mai 1945, le dossier avance. L’assureur ne prend pas en compte dans cette liste les vivres et la montre et évalue la valeur des pertes personnelles à 17 405 francs mais la police d’assurance ne couvre ces biens que pour un montant de 5 000 francs, somme qui sera proposée à la famile Goffard.

Cette dernière est retournée vivre dans la cabine du bateau après les travaux de réparations provisoires et dans l’attente d’un commandement (juillet 1946).

 

Les autres frais

Le 14 mai 1947, les réparations provisoires après constat d’avaries s’élèvent à 15 580,90 francs. Elles comprennent l’obturation de la brèche, le nettoyage du logement et de la peinture.

Le 10 décembre 1947, ce sont les agrès qui sont remplacés pour 29 915,05 francs.

Il faut attendre le 9 septembre 1948 pour que l’expert du bureau Véritas donne le détail chiffré des réparations complètes . La facture est de 462 526,85 francs après déduction de 20% de vétusté à la charge du propriétaire.

Les autres bateaux du quai Rambaud

Le « Dauphin » n’est pas le seul bateau dynamité la nuit du 2 septembre. D’autres navires de la compagnie HPLM et leurs mariniers sont également sinistrés :

  • le "Phoque" piloté par Henri Sordet qui se trouvait à bord au moment du sinistre;
  • le "Baleine" de Jacques Chaudet, dynamité dans le magasin N°1, évacué par ordre des allemands;
  • le Flore" de Marius Combe, dynamité dans la cale, magasin N°3, ainsi que par des engins déposés sur le bordé des 2 bords entre 2 bateaux. Outre les objets détruits, il précise la liste de ceux cassés. Le marinier a été évacué par ordre des allemands dans la nuit et sous la pluie;

 

  • le "Fraise" de Gaston Vatblé dynamité dans la cale, magasin N°1 à l’avant. Le marinier a été évacué par les allemands;
  • le "Gaulois" remorqueur piloté par Auguste Mousset de St Pierre de Bœuf et Rémi Munier de St Agrève, son second;
  • le "Girafe" de Fernand Durand dynamité dans le magasin N°4 et dont le logement n’a pas subi de dégâts. Les effets personnels déposés sur le pont lors du sabordage n’ont pas été retrouvés après le sinistre. Ils sont supposés avoir été volés par les allemands. Le marinier a également été évacué par ordre des allemands dans la nuit et sous la pluie;
  • le "Joyeuse" d’Yves Delhay, dynamité dans les 2 cales avant. Le marinier a été évacué par ordre des allemands dans la nuit et sous la pluie;
  • le "Muguet"  dynamité dans le magasin N°1 et dont l’explosion a provoqué une brèche permettant à l’eau d’envahir les magasins N°1 et N°2 de la cale. La barque était sans conducteur car Mr Mousset est marinier sur le ponton «Mousson»;
  •   le remorqueur “Simplon” dont les engins explosifs ont été déposés dans les compartiments arrières (dans les logements des chauffeurs et des mécaniciens) et qui ont provoqué des brèches faisant s’élever l’eau dans la cale à 1,80 mètre mais sont impacter les machines, chaudières et logements avant;
  • le remorqueur “Ventoux” , dynamité dans le compartiment avant (logement du patron et du second). La brèche de 2m a laissé entrer l’eau dans tous les compartiments et fait couler le bateau. La liste du matériel perdu est plus conséquente que sur une simple barque.

 

Les hommes de bord du “Ventoux” sont listés. Parmi eux, Nicolas Gratchoff qui a failli ne pas être indemnisé car son fils a servi dans les chantiers de Jeunesse alors qu’il est spécifié pour les victimes d’avoir servi dans l’armée française. Mais aussi Louis Bouchet de Vaudevant (07) dont sa présence sur le navire est mise en doute.

Les autres bateaux du quai Maréchal Joffre

 A quelques mètres du quai Rambaud, d’autres bateaux sont amarrés face aux bureaux de la compagnie HPLM. Ils subissent le même sort.

  • L’ "Ariège" piloté par Joanny Pariset, dynamité sur le bordé babord et coulé, dont la visite de l’expert se déroule avec 80 cm d’eau dans la cale;
  •   Le "Gier" piloté par Pierre Perrin coulé et toujours immergé au moment du passage de l’expert. Les objets personnels qui avaient mis sur la terre ferme ont été détruits par les allemands qui ont jeté dessus un autocar en panne auquel ils ont mis le feu. La valeur des réparations est supérieure à la valeur assurée;
  •  le "Gard" barque citerne de Jean Fayet dynamitée dans les compartiments 2 et 4, tous les objets ont été détruits dans l’explosion sauf un calorifère retrouvé brisé et un linoléum hors d’usage;
  •  le "Meurthe" dynamité dans le magasin N°3;
  •  le "Saône" de Pierre Maximim dont les explosifs ont été déposés sur la cloison entre les magasins 3 et 4. Le bateau a rapidement coulé et le logement arrière est complètement détruit;
  •   les barques "Valserine" , "Azergues", "Doubs" et "Garonne" qui n’étaient pas renflouées pour la plupart en avril 1945.

 

Certaines de ces barques, du fait du cout exorbitant des réparations, ne seront pas remises en services.

La ville de Lyon est libérée des forces militaires allemandes le 3 septembre 1944.

Sources: 37J104-AD69, 37J105-AD69, 37J106-AD69, 37J107-AD69, 37J108-AD69, 37J109-AD69, 37J110-AD69, 37J407-AD69

 © 2015 Généalanille Article publié le 5 novembre 2015

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