Du carnet d'enfant placé en nourrice au carnet de nourrice. Que contiennent ces documents et comment retracer le parcours d'une nourrice ?
La loi Roussel de décembre 1874 met en place un encadrement systématique des enfants placés auprès des nourrices.
Article 1 Tout enfant, âgé de moins de deux ans, qui est placé, moyennant salaire, en nourrice, en sevrage ou en garde, hors du domicile de ses parents, devient par ce fait l'objet d'une surveillance de l'autorité publique, ayant pour but de protéger sa vie et sa santé.
Cette surveillance est mise en place pour toute la chaine de placement, c’est-à-dire les nourrices mais aussi les bureaux de placement et les intermédiaires.
Toute personne qui souhaite placer un enfant doit le déclarer à la mairie afin d’obtenir un extrait d’acte de naissance qui sera remis à la nourrice.
La nourrice, quant à elle, doit également faire une déclaration à la mairie dans un délai de trois jours à la mairie et présenter l’extrait de naissance de l’enfant. Elle doit signaler tout changement de résidence mais également tout retrait ou décès de l’enfant.
Toutes ces informations sont bien entendu consignées dans des registres tenus par les municipalités.
En 1874, il existe deux catégories de nourrices.
Les nourrices peuvent être « sur place ». Dans ce cas, elles accueillent à leur domicile les enfants qui leur sont confiés par l’Assistance publique, mais aussi par des familles.
Elles peuvent être également « sur lieu ». Elles travaillent alors dans les hospices ou bien au domicile de la famille qui les a embauchées.
La loi de décembre 1874 précise dans son article 8
Toute personne qui veut se placer comme nourrice sur lieu, est tenue de se munir d'un certificat du maire de sa résidence, indiquant si son dernier enfant est vivant et constatant qu'il est âgé de sept mois révolus, ou, s'il n'a pas atteint cet âge, qu'il est allaité par une autre femme remplissant les conditions qui seront déterminées par le règlement d'administration publique prescrit par l'article 12 de la présente loi.
Les carnets de nourrice existent à Paris dès le début du XIXe siècle. Mais c’est le règlement d'administration publique du 27 février 1877 qui va formaliser cet outil.
L’article 30 précise
Le carnet est délivré gratuitement, à Paris, par le préfet de police ; à Lyon, par le préfet du Rhône ; dans les autres communes, par le maire. La nourrice peut l'obtenir soit dans la commune où elle réside, soit dans celle où elle vient chercher un enfant ; dans ce dernier cas, elle doit produire le certificat du maire de sa commune. Elle doit se pourvoir d'un carnet nouveau chaque fois qu'elle prend un nouveau nourrisson. Le certificat délivré à la nourrice par le maire de sa commune et le certificat médical sont inscrits sur le carnet. S'ils ont été délivrés à part, ils y sont textuellement transcrits. Le carnet est disposé de manière à recevoir en outre les mentions suivantes :
1°- L'extrait de l'acte de naissance de l'enfant, la date et le lieu de son baptême, les noms, profession et demeure des parents ou des ayants droit, à défaut de parents connus, la date et le lieu de la déclaration faite en exécution de l'article 7 de la loi ;
2°- La composition de la layette remise à la nourrice ;
3°- Les dates des payements des salaires ;
4°- Le certificat de vaccine ;
5°- Les dates des visites du médecin inspecteur et des membres de la commission locale avec leurs observations ;
6°- Les déclarations prescrites par l'article 9 de la loi.
Le carnet reproduit le texte des articles du Code pénal du règlement d'administration publique et du règlement particulier fait par le préfet, en exécution de l'article 12 de la loi, qui intéressent directement les nourrices, sevreuses ou gardeuses, les intermédiaires et les directeurs de bureaux de placement. Il contient en outre, des notions élémentaires sur l'hygiène du premier âge.
Retenez que ces pièces annexes ne sont pas conservées dans le carnet mais recopiées à l'intérieur de celui-ci.
Comprenez qu’il y a un carnet par enfant et que ce carnet permet de retracer son état de santé pendant deux ans.
Pour la nourrice, le carnet lui permet de connaitre des notions élémentaires sur l’hygiène, mais aussi de justifier de son travail et donc d’être payée.
Par ailleurs, un état des lieux est fait pour la composition de la layette au moment de la "location" avec l'état des vêtements, vieux ou neufs. La réception de nouveaux vêtements est tracée sur le carnet. Dans la réalité, ces informations ne sont pas toujours renseignées.
L'académie de médecine sera sollicitée pour donner des conseils sur l'allaitement, le sevrage ou les soins hygiéniques. Ces conseils seront revus régulièrement et mis à jour dans les différentes versions imprimées de carnet que l'on peut consulter.
Le règlement impose également un quota maximum d’enfant par nourrice :
Art.25. Il est interdit à toute nourrice d'allaiter un autre enfant que son nourrisson, à moins d'une autorisation spéciale et écrite donnée par le médecin inspecteur, ou, s'il n'existe pas de médecin inspecteur dans le canton, par un docteur en médecine ou un officier de santé.
Art.26. Nulle sevreuse ou gardeuse ne peut se charger de plus de deux enfants à la fois, à moins d'une autorisation spéciale et écrite donnée par la commission locale, ou, à défaut de commission locale, par le maire.
A partir de 1877, le nombre maximum d’enfants en garde par défaut est de deux. Il faut donc attendre un décès ou une limite d’âge pour un garder un autre.
L’ordonnance du 2 novembre 1945 sur la protection maternelle et infantile (PMI) vise à réduire le taux de mortalité infantile (22% des naissances au début de l’année 1945). Elle réorganise la surveillance des enfants du premier âge (moins de deux ans) et du deuxième âge (de trois à cinq ans révolus).
Parmi les dispositions, on peut lire dans l’article 20 qu’un carnet de santé de l’enfant est transmis à la nourrice au moment du placement qui constate que l’enfant n’est pas atteint d’une maladie transmissible et qu’il peut être transporté sans danger.
Si chaque enfant est susceptible d’avoir un carnet de santé remis à sa naissance par le maire au moment de la déclaration de la naissance, la nourrice, elle, a également un carnet qui cette fois-ci n’est pas lié à l’enfant mais à son activité : c'est le carnet de nourrice ou gardienne.
Il est organisé de manière à pouvoir conserver les certificats délivrés par le maire, les certificats médicaux et outre les textes de lois et recommandations sur l’hygiène de l’alimentation des enfants jusqu’à six ans,
une fiche individuelle pour sept enfants.
Cette fiche permet d’identifier l’enfant, son parcours et son état de santé pendant son passage dans la famille. Il n’est pas fait mention des paiements dans ce carnet.
Les carnets de nourrice sont conservés soit dans les archives familiales, soit dans les archives communales (pour ces deux catégories, elles peuvent être déposées ou non).
Les documents annexes comme les registres d’inscription des nourrices et des placeurs sont à rechercher soit dans les archives communales, soit dans la série X des archives départementales.
En complément de ces documents, on peut également consulter des états nominatifs, des visites d’inspecteurs, des rapports de maires, des bulletins de décès d’enfant, des dossiers nominatifs d’enfants placés, des demandes de retrait de la famille, des demandes de placement d’office, des registres matricules, les montants payés aux nourrices (tant pour leur travail qu’en dédommagement de frais), les correspondances pour les demandes et réceptions de trousseau, les cahiers à souche de délivrance de certificats, la surveillance de la santé des nourrices (cas de contamination) et des enfants qu’elles gardent, et bien entendu des rapports généraux et des statistiques.
Selon la période étudiée et les documents conservés, la recherche d’une nourrice sera plus ou moins simple. Les fonds liés à l’enfance sont souvent classés pour trouver un enfant plutôt que la nourrice.
Le principe de base pour une majorité de recherches est de vérifier les déclarations en tant que nourrice et les sommes reçues. Ces premiers éléments permettront de retrouver les enfants gardés et donc de consulter les informations les concernant. N’oubliez pas de vérifier dans les recensements de population pour les périodes les plus récentes, vous y verrez peut être la présence d’un enfant dans la composition du ménage.
Documents : Coll. C. Cheuret
© 2024 Généalanille Article publié le 7 octobre 2024
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