La maison école des filles de Prévinquières (12) a été construite dans des conditions litigieuses.
Le projet a été lancé en début de l’année 1875. Une nouvelle école sera construite pour les filles. Ce sera une maison école, c’est à dire un lieu où l’on peut faire classe et où le personnel enseignant peut vivre.
Une souscription est ouverte auprès de la population le 1er mars 1875. Elle semble avoir rapporté 4700 francs en argent et 5000 francs de dons en nature (engagement de fourniture de matériaux). L’enquête de commo incommodo est faite en 1876.
Le 1er février 1877, par sa délibération, le conseil municipal de Prévinquières approuve les plans et devis pour la construction de la nouvelle maison école des filles. Ils ont été établis par Mr Rozié, agent voyer.
Le dossier est transmis au préfet le 4 avril et passe à la session d’aout 1877 au conseil départemental. Il vise à demander 5000 francs à l’état. Le conseil départemental donne d’ailleurs un avis favorable dans sa session de 1877.
Par arrêté du 6 septembre 1877, Melle Massol
institutrice est nommée à Prévinquières. Elle doit prendre ses fonctions pour la rentrée du 16 octobre mais le maire refuse de l’installer. Elle s’est présentée le 11 octobre (comme convenu) mais est obligée de loger à l’auberge.
Melle Massol se plaint à l’inspecteur d’académie car elle a déjà eu pas mal de déplacements inutiles cette année et si elle doit à nouveau bouger, elle préférerait le canton de Cassagnes Bégonhès.
Melle Massol a en effet été nommée depuis le début d’année 1877
Et si le maire refuse d’installer l’institutrice, c’est que les locaux sont déjà occupés par les sœurs de la Sainte Famille
qui font la classe… Et la maison école est loin d’être terminée.
Une pétition est adressée au préfet par les pères de familles pour que l’éducation de leurs filles soit faite par une des sœurs congréganistes. Il faut donc un avis officiel pour que Melle Massol change d’affectation.
Et les enfants? Personne ne semble faire la classe aux 45 filles jusqu’à la fin d’année 1877.
La fin des travaux
L’inspecteur primaire rend compte de sa visite de la nouvelle école des fille s fin mai 1878. Il a vérifié que la construction était conforme aux plans. Il ne constate aucune modification à l’étage. Par contre, au rez de chaussée, une légère cloison a été apposée pour séparer la salle de classe en deux. Une salle de 4,60m et une de 5m sur 6,50m.
La hauteur des plafonds a aussi été réduite
: 3m40 au lieu de 4m. Cette modification est liée aux “grands froids qui sévissent dans ce pays surnommé la Sibérie de l’arrondissement”.
Un sous sol a également été construit
avec une hauteur de 2,70m. Cela assainit les classes.
Il ne reste que
la construction des lieux d’aisance, le mur de clôture de la cour de récréation, le mur de clôture du jardin, l’établissement du préau couvert, les plafonds, serrureries, la peinture des volets….
L’inspecteur n’en parle pas dans son rapport mais un autre courrier nous apprend que les soeurs occupent les lieux depuis (au moins) avril 1878. Pourquoi? Parce que la maison école appartient à la fabrique! L’histoire se dévoile. En 1875, un terrain a été cédé à la fabrique par le conseil municipal sans réellement formaliser l’acte.
Les membres de la fabrique et le curé ont œuvré pour trouver le budget de départ, complété par la demande de subvention à l’état. Le curé estime que les bâtiments lui appartiennent, le préfet n’est pas d’accord.
Et la délibération du conseil municipal du 15 mai 1878 qui autorise les sœurs à rester “en possession de la maison
qui a été construite par d’autre que par la commune sur un terrain communal” est annulée par le conseil de préfecture.
Le 3 juillet 1878, un arrêté est pris pour faire évacuer les sœurs et faire installer la nouvelle institutrice
Melle Dufieu.
Elle a lieu le 25 juillet 1878. Le maire et l’adjoint sont volontairement absents. Les sœurs sont parties en visite à Montbazens… Quand elles reviennent, elles refusent d’évacuer les locaux. Les gendarmes finissent par dégager l’accès et gardent l’école pour la nuit en attendant le serrurier qui va changer toutes les serrures.
Contrairement à ce qui a été écrit dans les journaux d’opposition, les sœurs ont pu prendre les habits dont elles avaient besoin et les baïonnettes n’ont pas été mises au bout des carabines.
Les registres de la mairie ont été épluchés. Il manque l’apposition de certaines délibérations, d’autres semblent avoir été « arrangées » à postériori avec des stylos de couleur différente. Le maire est finalement suspendu le 12 octobre 1878. Cela ne lui empêchera pas de retrouver sa place puis de rester maire pendant quelques années.
Melle Dufieu est installée après l’expulsion des sœurs dans un climat peu stable. Le 3 aout 1878, les objets de la Sainte Famille sont déménagés de force par des personnes réquisitionnées.
L’institutrice doit rester à l’auberge pour quelque temps car la maison école est loin du village et entièrement isolée. Elle est placée de telle sorte qu’on peut y arriver par des sentiers couverts d’arbres sans être vus. Melle Dufieu a pour consigne d’écrire le plus souvent possible à l’inspecteur. Pas de quoi la rassurer, elle et sa pauvre mère. Elle supplie rapidement l’inspecteur de lui donner un autre poste.
Le 16 octobre 1878, Melle Dufieu est mise en inactivité.
Le 31 Décembre 1878, Mme Pons née Ginesty est installée par l’inspecteur primaire. Quelques temps plus tard, elle indiquera qu’elle fait la classe à des garçons pour soulager le trop grand effectif de son mari, lui aussi nommé à Prévinquières… D’ailleurs aucune fille ne s’est présentée…même si l’évêque pense que l’institutrice propose de l’argent pour attirer les jeunes filles.
Mme Pons est affectée à Privezac en octobre 1879 et décède quelques mois plus tard.
Les sœurs portent plainte auprès du juge de paix le 19 aout 1878. Ce dernier s’estime incompétent et l’affaire est portée devant le tribunal civil de Villefranche de Rouergue le 28 novembre 1878.
Le 22 juin 1879 un accord est trouvé pour que les sœurs prennent à nouveau la direction de l’école. Début juillet 1879 Cécile Sennagal “Soeur Marie Bernard”
est affectée à l’école de Prévinquières.
C’est l’occasion de découvrir l ‘équipement de ses salles de classe.
Le conseil municipal de Prévinquières reconnaitra dans sa délibération du 15 janvier 1880, la nécessité de construire dans les plus brefs délai possibles une maison d’école pour les garçons . Cette fois, ci elle aura lieu dans des conditions plus traditionnelles!
Sources: 6T1/200-AD12, 2O200/1 et 2-AD12, 3T4/44 et 45-AD12, 4T3/11 à 13-AD12, 5T5/7, 13 et 15-AD12, 7T1/10, 12 et 16-AD12, 8J151-AD12, 3M517-AD12, 3M731-AD12, PER545-AD12, Journal de l’Aveyron
Cet article a été réalisé dans le cadre du challenge UproG de juin 2018 sur le thème imposé “la première école”.
© 2018 Généalanille - Article publié le 30 juin 2018
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