L’empoisonneuse empoisonnée

L’enfant est un « minus habens » paraissant incurable

Françoise Vacher est née le 2 mai 1895 à Charmoy (71) de Pierre Vacher et Jeanne Bornet, cultivateurs. Elle a épousé Jean Marie Thomas dont elle a eu un fils Pierre Lucien né en 1921.

A l’automne 1937, la famille habite 56 Combe des Mineurs au Creusot (71). Elle est ménagère, lui travaille chez Schneider et est estimé.

Seulement voilà, l’enfant est « d’une intelligence qui ne se développera pas et ne lui permettra ni d’aller à l’école ni de travailler » ce qui a fait sombrer Françoise Vacher une première fois en 1933. A l’époque, elle a dû être internée à l’asile psychiatrique de Bourg en Bresse pendant plusieurs mois. Elle a également fait une tentative de suicide. Depuis, elle promène son enfant de 16 ans qu’elle chérit mais redoute qu’un jour on l’interne. Les voisins ne font pas cas de ce handicap mais elle se croit persécutée .

Une mère assassine

Jeudi 30 septembre 1937 vers 3 heures du matin, le père de famille part prendre le premier poste au Breuil. Sa femme, restée avec l’enfant, prend 25 cachets de Gardénal et constitue 2 gros cachets qu’elle fait absorber à son fils toujours couché. Le fils, se plaignant de violents maux de tête, doit se lever. La mère en profite pour lui saisir la tête et la faire tremper violemment dans une bassine dans la cuisine. Lucien meurt noyé après quelques secondes.

Sa mère se met ensuite à hurler à la fenêtre que son fils est mort et que personne ne le persécutera plus.

Les voisins réveillés composent le 0.55 pour appeler le commissariat principal et à 4H les agents Benit et Dorville se rendent sur place en bicyclette. Ils trouvent le fils unique noyé dans la cuisine, la tête à demi plongée dans une bassine d’eau. Sa mère arpente la cuisine avec des yeux exorbités et des propos incohérents: elle est démente. Les agents ramènent la meurtrière au poste et Mr Redoutey commissaire central est prévenu.

Des officiels qui se croisent

Le commissaire arrive de bonne heure avec Mr Gandré brigadier de police. Le Dr Mickoff est en cours d’investigation et confirme l’empoisonnement de la victime.

Plusieurs pièces sont saisies dans la maison, dont la boite de gardénal partiellement vide.

La mère subit un premier interrogatoire dans la matinée et a un peu retrouvé ses esprits: elle raconte son crime, se rend compte de ce qu’elle a fait, fond en larmes et reste anéantie dans la cellule le reste de la journée.

Le vendredi 1er octobre, le commissaire principal part à Macon (avec autorisation du sous-préfet) pour accompagner sa fille en pension et avertit le procureur qu’il ne peut pas le recevoir.

Mr Givry procureur de la république et Mr Voisenet juge d’instructions arrivent au Creusot vendredi à 14H pour poursuivre l’enquête, accompagnés de Mr Rouge commis greffier. Après avoir entendu longuement la femme au commissariat, les membres du parquet l’emmènent chez elle pour une reconstitution. Il est constaté qu’elle ne dispose pas de toutes ses facultés et qu’elle est irresponsable.

Françoise Vacher est inculpée d’empoisonnement et placée sous mandat de dépôt par le juge d’Autun. En attendant d’être transférée à la prison de Chalon, elle est gardée à la chambre de sureté du commissariat de police du Creusot, et subit d’abord une fouille au corps par Mme Jamet concierge de la mairie.

Départ pour la prison

Le samedi 2 octobre 1937 au matin, les policiers confient la meurtrière au gendarme Manneveau du Creusot qui l’amène à la prison de Chalon sur Saône. Elle est écrouée sous le numéro 327, fouillée et laisse un manteau noir, un tablier mauve et une paire de souliers noirs. Son empreinte digitale est déposée sur le registre.

Dès son incarcération, Françoise Vacher est en proie à des crises violentes, poussant des cris déchirants et empêchant ses codétenues de dormir.

Pendant ce temps-là au Creusot

Le commissaire principal, de retour au Creusot, apprend qu’au cours de la nuit l’agent Doussot a retrouvé dans la geôle un flacon de taupicine oublié sur la détenue. La femme étant déjà partie en prison, le parquet d’Autun n’est pas été avisé par le commissaire.

Le Dr Lagoutte, médecin légiste, a procédé à l’autopsie du jeune Lucien. L’enterrement a lieu le dimanche après-midi et le père remercie dans le journal les personnes qui ont pris part à sa peine.

L’empoisonneuse décède en prison

Dimanche 3 octobre, Françoise Vacher, emprisonnée, a des vomissements et des coliques qu’elle attribue à un refroidissement. Le lundi 4 octobre, étant dans le même état, le médecin de la prison l’examine sans rien trouver de sérieux mais l’a fait entrer à l’infirmerie. Elle doit être présentée au juge dès le lendemain.

Dans la nuit du 4 au 5 octobre, Françoise Vacher a des crises violentes attribuées à des accès de folie auxquelles elle est sujette. La nuit est agitée et ses codétenues réussissent à s’endormir sur le matin. A leur réveil, elles constatent la mort de l’empoisonneuse et préviennent le personnel. Le gardien chef décroche son téléphone pour avertir le parquet et le médecin de la prison.

Mardi 5 octobre, une autopsie est pratiquée sur la défunte sans rien trouver de positif mais, par précaution, les viscères ont été conservés pour un examen ultérieur.

L’interrogation des autres détenues n’a pas permis de déterminer la cause de la mort. Il est évoqué un empoisonnement par un produit qu’elle aurait réussi à dissimuler malgré les fouilles, ou la prise de gardenal la semaine précédente qui aurait fait effet à la longue, vu son mauvais état de santé à son arrivée en prison.

L’enquête interne

Le procureur de la république téléphone au commissaire principal du Creusot pour lui annoncer la mort de la femme Vacher à la prison. Le commissaire fait alors l’analogie avec l’incident survenu dans ses murs. Il prévient son supérieur et lui envoie le poison, puis il interroge ses agents afin d’établir un rapport.

Le 1er octobre 1937 vers 19H l’agent Doussot a apporté à la femme Vacher du bouillon qu’elle avait demandé. Pénétrant à l’improviste « dans le violon » il l’a surprise en train de jeter quelque chose dans un trou d’égout . En fouillant celui-ci, il a retiré le flacon de taupicine un peu entamé. Interrogée, la femme a avoué avoir réussi à dissimuler le flacon sous son aisselle pendant la fouille afin de tenter de se suicider. Ayant essayé d’en avaler elle a affirmé « que ça n’avait pas pu passer » et donc avait demandé du bouillon pensant pouvoir y délayer la pâte toxique.

Le commissaire précise dans son rapport :

  1. qu’il n’est rien arrivé à la femme Vacher tant qu’elle était sous sa surveillance;
  2. que la personne qui a fait la fouille est excusable puisqu’elle est chargé de cette tache depuis peu d’autant que la coupable était plus rusée qu’elle et qu’elle était hantée par le suicide. Difficile de savoir comment la criminelle a pu avoir le flacon;
  3. ce sont bien les révélations du commissaire qui ont permis de comprendre l’empoisonnement, sinon cela était indécelable.

La cause de la mort

Françoise Vacher est morte au 5 octobre au matin et ses restes ont été ramenés au Creusot. L’enterrement a eu lieu le jeudi 7 octobre 1937 dans l’après-midi. L’autopsie a d’abord révélé que la mort était due à une intoxication par le phosphore non décelable.

Un mois et demi plus tard, il a été précisé que la meurtrière était décédée des suites d’une intoxication produite par l’absorption d’une substance phosphorée utilisée pour la destruction de certains parasites. « On a d’ailleurs retrouvé le flacon ayant contenu ce toxique, entamé, au domicile de la femme Thomas. Celle-ci a donc absorbé le poison un peu avant son incarcération. »

Un policier puni

Le policier Alfred Doussot n’est donc pas responsable il reçoit quand même un blâme avec inscription à son dossier le 24 novembre 1937:

« Etant chef de poste dans la nuit du 1er au 2 octobre 1937 et chargé de la surveillance de la nommée Vacher Françoise, inculpée d’homicide volontaire, a eu la connaissance d’une tentative d’empoisonnement de cette femme et n’en a pas rendu compte en temps utile au commissaire central. »

Le commissaire central évite, quant à lui, toute punition en envoyant au préfet des témoignages d’estime de ses anciens chefs, notamment dans son précédent poste à Lyon.

Sources : M1658-AD71, 5E103-AD71, PR66/17-AD71, 2Y140-AD71

© 2015 Généalanille Article publié le 20 mai 2015

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