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Adjoint au maire et cabaretier

Un élu ordinaire

Emiland Genty est né le 26 avril 1806 à Tazilly (58). Cabaretier à l’entrée du bourg du village, il se marie en 1841 dans la même commune avec Jeanne Jault.

Le 18 juin 1843, il devient membre du conseil municipal, fonction qu’il occupe jusqu’en 1852. Il est à nouveau élu le 5 février 1854 avec un des plus gros suffrages (146 voix) et est installé comme adjoint le 11 avril.

 

La famille dans la région

Emiland Genty, aubergiste cabaretier à Tazilly est le frère de Claude Genty, cabaretier à Luzy.

Ce dernier a épousé en 1831 à St Seine (58) Etiennette Voillot et leur fille Léonarde (née en 1832) s’est mariée en 1848 à Luzy avec Didier Jean Laurent, gendarme à Luzy , originaire de Villers le Sec (55).

Un cabaret hors la loi

En application des arrêtés préfectoraux de la Nièvre de 1853, il est demandé aux gendarmes Grandveault et Laurent de la brigade de Luzy de faire un contrôle inopiné sur les cabarets ne respectant pas l’horaire légal de fermeture les soirs. Le 9 juillet 1853 au soir, ils se rendent à Tazilly et arrivant au bourg vers le cabaret d’Emiland Genty, adjoint au maire, ils remarquent deux personnes devant la porte de l’établissement qui rentrent en criant « gare, voilà les gendarmes. »

Le temps d’arriver au cabaret, les chandelles ont été soufflées et certains contrevenants cherchent à s’échapper. Ils sont invités et contraints à retourner à l’intérieur et Mme Genty est priée de rallumer une chandelle, objet qu’elle prétexte tout d’abord ne pas avoir.

Les gendarmes découvrent deux pièces : une première salle ou cuisine est utilisée par les consommateurs et une deuxième salle qui sert uniquement pour les joueurs de carte.

Dans la première pièce, les gendarmes constatent une table pleine de verres et de bouteille où il restait du vin, des consommateurs cachés dans tous les coins de la maison  : derrière les meubles, dans les lits, dans les embrasures des croisées. Certains profitent de cet instant pour sauter par la fenêtre vers le jardin et l’un d’eux a failli même se noyer dans la mare à la sortie du jardin.

Sept noms sont relevés par les gendarmes Grandveault et Laurent :

Charles dit Alexandre Machuron, Claude dit Vigneron Dubois, Léonard Lagandrée, gendre de Machuron, Poignant dit Cochet meunier à Perrigny, Jean Baptiste Chevretin maitre d’école, Garruchet fermier de Mr Cortet au domaine des roches et Jean Baudelin de Savigny Poil Fol, seul non habitant de la commune.

A ces sept consommateurs ou joueurs, il faut bien évidemment ajouter Emiland Genty et sa femme, tenanciers du cabaret.

Avec sa position d’adjoint, Emiland Genty est l’un des garants de la police sur sa commune et de ce fait doit respecter la loi. Le gendarme Laurent, bien qu’époux de la nièce du cabaretier, ne fait pas de passe-droit à son oncle par alliance, et pour cause, il a déjà verbalisé son propre beau-père pour des faits similaires !

Au moment du procès, les 7 consommateurs accusés de complicité, donneront le nom des 3 autres personnes présentes ce soir-là parmi lesquelles un nommé Jacques Diot.

Un tollé dans la population

L’affaire provoque un émoi dans la population. Il faut dire que par arrêté préfectoral du 22 juillet 1854, le cabaret est fermé et l’adjoint suspendu de ses fonctions. Le maitre d’école écope également d’un mois de suspension.

Dans les jours qui suivent, c’est une pluie de lettres de contestations qui arrivent chez le sous-préfet.

Le curé évoque qu’Emiland Genty « n’a jamais abusé de sa position d’adjoint pour attirer la jeunesse. Sa maison n’est pas une maison de débauche. On n’y a jamais permis de parties carrées. »

Il défie même les gendarmes de prouver ce qu’ils ont écrit dans leur rapport, se plaint auprès des personnes les plus notables dans tout le canton et même jusqu’à Bourbon Lancy. Il arrive à convaincre Mr Coujard de la Planche, Mr Perrin et beaucoup d’autres notables de l’aider à faire rouvrir le cabaret.

Le maréchal des logis rétorque dans son rapport que Mr De Chargère, ancien maire de Tazilly et actuel maire de Flety est quant à lui plus circonspect sur les propos du curé. De plus, il n’hésite pas à relayer le scandale public qui accuse le curé d’avoir des relations avec la femme d’Emiland Genty que ledit curé qualifie de « paisible et inoffensif. » Le maréchal parle d’une calomnie par « noire méchansté » du curé envers les gendarmes.

Le maire, Marc Laureau, conçoit qu’il y a souvent des querelles dans l’un des 3 cabarets de la commune mais il ne se plaint pas d’Emiland Genty en tant qu’homme. Il réclame la nomination d’un nouvel adjoint et se plaint du zèle qu’ont exercé les gendarmes face à cette histoire.

Le maréchal des logis rétorque dans son rapport que la lettre de contestation du maire n’est pas signée de sa main mais de celui qui avait servi de secrétaire.

Le juge de paix cherche quant à lui à sauver l’image de l’instituteur en donnant une autre version des faits. En effet, ce dernier ne faisait pas partie des buveurs mais était sur le seuil de la porte au moment de l’arrivée des gendarmes. Il avait soupé chez le curé avec le maire et les deux invités sont partis à 21H45. L’instituteur a raccompagné le maire au-delà du village et en revenant il a trouvé la sœur de Mr le Curé à sa porte avec la femme de l’adjoint. Cette dernière l’a prié de la raccompagner chez elle à 200m. A peine entrés, les gendarmes sont arrivés vers 22H15 et ont empêché tout le monde de sortir. L’instituteur a été confondu avec les buveurs qui étaient dans une seconde pièce où il n’est pas entré.

Une lettre de pétitions en faveur du cabaretier est signée par nombreux habitants du village, élus, curés locaux et notables.

Mr D’Amfreville , père, apporte lui aussi sa lettre de réclamation en expliquant qu’Emiland Genty appartient au conseil municipal depuis 30 ans (en fait 10 ans seulement). Il conteste lui aussi le procès-verbal des gendarmes qui, selon lui, contient une mention que le sieur Genty ne respecte pas les arrêtés du préfet, qu’il abuse de son statut d’adjoint pour rester ouvert pendant les messes, qu’il nargue les autres cabarets et que le lieu sert de parties carrées, c’est-à-dire qu’il est en fait une maison de prostitution. Il termine sa lettre par la formule latin «  prima gratis secunda debet tertia solvet  » visant la clémence du sous-préfet envers Emiland Genty.

Le sous-préfet sollicite son supérieur en lui transmettant la lettre un peu vive de ce notable (qu’il traite de vieillard mais dont il respecte la vivacité d’esprit). Il propose la réouverture du cabaret mais la révocation des fonctions d’adjoint, rôle pour lequel il n’a pas trouvé de successeur. Entre adjoint ou commerçant, il a choisi.

Le rapport du maréchal des logis

Outre les éléments évoqués ci-devant face aux lettres de réclamation du maire et du curé, le maréchal des logis est amené début août 1854 à faire une enquête complémentaire sur le travail de ses hommes .

Grâce au jugement des 7 complices et à l’interrogatoire des trois fuyards, il explique que la deuxième salle du cabaret servait régulièrement pour des parties de brelan avec de l’argent engagé . Le soir du procès-verbal, Jacques Diot jouait d’ailleurs avec Charles Machuron et Claude Dubois pour la somme de 4 francs. Claude Dubois avait déjà perdu 6 francs dans la journée et trois mois plus tôt il avait même perdu 60 à 70 francs et c’est Mr le Maire lui-même qui lui avait prêté de l’argent sous les yeux d’Emiland Genty, tenant du cabaret. Les deux représentants de la mairie ne pouvaient donc pas ignorer ce qui se passait dans l’établissement.

Par ailleurs, le maréchal des logis rappelle que le gendarme Laurent est intègre car il a verbalisé son propre beau-père (voir plus haut).

Rester ferme mais compréhensif

Après l’émotion de la population et la réaction des notables, le préfet décide tout d’abord qu’Emiland Genty est suspendu trois mois de ses fonctions d’adjoint et que son cabaret reste fermé .

Il évite ainsi la révocation et le sous-préfet n’a pas besoin de trouver un remplaçant.

Le 12 septembre 1854, Mr Coujard de la Planche rédige une lettre qui plaide en la faveur du cabaretier et demande la réouverture de l’établissement car c’est le seul gagne-pain de la famille. Cette lettre est donnée à Emiland Genty qui doit la remettre en mains propres au préfet lui-même.

On ne sait pas si l’entrevue a réellement eu lieu entre le Tazillicois et Albin Lerat de Magnitot (préfet nommé dans la Nièvre en novembre 1853).

Emiland Genty démissionne de son poste d’adjoint . Le sous-préfet propose pour le remplacer Pierre Perraudin 44 ans, François Tissier 43 ans et Benoit Segaud 59 ans.

Pierre Perraudin est nommé adjoint par arrêté préfectoral du 5 décembre 1854 et prête serment le 24 décembre.

Emiland Genty décède le 27 avril 1871 à Tazilly.

Sources :

5Mi11/495-AD58, 5Mi11/523-AD58, 5Mi11/524-AD58, 5Mi11/525-AD58, 5Mi11/595-AD58, 5Mi10/481-AD58, M728-AD58

© 2015 Généalanille Article publié le 11 avril 2015

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