Un grand nombre d’héraultais ont été réfugiés à partir de 1944 en Aveyron. Pourquoi leur présence dans ce département ? Comment retracer leur parcours, leur hébergement ? De quelles aides ont-ils bénéficié ?
Rappelons que la seconde guerre mondiale a débuté en 1939. La bataille de France de mai 1940 provoque un exode qui va déplacer de nombreuses personnes, parfois jusqu’à des départements du Sud-Ouest de la France.
A partir de février 1944, on envisage d’évacuer les zones côtières, menacées d’être bombardées. Ce sera la dernière vague de réfugiés pour cette guerre.
« On a donné à Vichy quelques précisions sur l’évacuation de la côte méditerranéenne : 60 000 personnes de l’Hérault devront aller dans l’Aveyron et le Tarn où les rejoindront 25 000 personnes de l’Aude. »
(Article issu du Narrateur 19 février 1944, les premiers réfugiés arrivent en Aveyron environ une semaine plus tard)
Les départements d’accueil sont choisis de part leur proximité et leurs capacités d’accueil. Mais n’oublions pas aussi qu’on préconise, tout d’abord, l’évacuation volontaire. Par conséquent, on cherche à faire partir toutes les personnes dont la présence n’est pas indispensable, c’est-à-dire principalement des mamans et leurs enfants en bas âge, mais aussi des personnes âgées.
Si certaines personnes ont de la famille dans le département limitrophe qu’est l’Aveyron, et que cette famille peut les accueillir, ils vont naturellement rejoindre les leurs plutôt que de se faire héberger par des inconnus.
Inciter les habitants à partir n’est pas suffisant. Alors l’évacuation va se renforcer grâce à des moyens techniques et financiers proposés aux évacués. Le départ est alors plutôt bien accepté… sauf chez les sétois qui semblent assez indisciplinés ! (Voir le texte " l'évacuation des populations du littoral méditerranéen" en fin de cet article.)
Les villes sont divisées en zones pour agir de manière systématique et gagner ainsi en efficacité.
La menace, en principe théorique, va vite devenir réelle. Plusieurs bombardements (fin juin et début juillet) vont transformer les habitants restés sur place en sinistrés.
L’évacuation devient obligatoire.
« 97 morts et une centaine de blessés à Sète, Balaruc et Frontignan
Le bilan des victimes du bombardement anglo-américain sur Sète, Balaruc et Frontignan s'établit ainsi : à Sète, on déplore 47 morts et on compte 35 blesses et 232 sinistrés. Le chiffre des immeubles atteints s'élève â une centaine.
A Balaruc, on a retiré des décombres 19 morts et 30 blessés, tandis qu’à Frontignan le nombre de victimes est de 60 environ dont 31 morts.
Dans cette dernière localité, 400 immeubles ont été atteints et 500 familles sont sans abri. »
(Article issu de la Loire républicaine du 10 juillet 1944)
Si elles n’ont pas été détruites, on retrouve certaines archives qui permettent de retracer le parcours de ces réfugiés d’une manière administrative. Quand et d’où ils partent. De qui est composée la famille (au sens large, c’est-à-dire avec le « petit personnel »). Chez qui ils sont hébergés. Quels étaient leurs revenus et profession avant le départ (parfois avec des certificats de propriété, de travail, etc.) Où sont les autres membres de la famille.
Outre l’administratif, on trouve parfois, quelques lettres qui retracent les sentiments (principalement d’injustice) et les conditions de vie.
Ces documents sont susceptibles d’être conservés dans le département de départ et celui d’hébergement, ce qui n’est pas nécessairement le cas. Ils ne sont pas regroupés en un dossier unique mais sont à rechercher dans plusieurs cotes.
La carte de réfugié (voir un exemple ci-dessus) est restituée au moment du retour au domicile, donc conservée au dossier. Elle ne sert pas de carte d'identité mais est utilisée pour toucher les éventuelles allocations.
Prime « de déménagement », transport gratuit des bagages. Ces arguments vous feraient-ils quitter votre logement ? Probablement que non, surtout si vous n’avez pas de travail garanti dans votre nouveau lieu de vie. Alors, les réfugiés ont pu bénéficier d’aide matérielle (vêtements, nourriture, etc.). L’administration se préoccupe aussi des cartes d’alimentation, cartes de textiles, tickets d’alimentation et cartes de tabac. Si elles ont été déclarées perdues, ont-elles été ou non remplacées ?
Les réfugiés peuvent également faire la demande pour obtenir un montant d’allocations calculé en fonction des revenus déclarés. Allocations parfois longues à obtenir, surtout si la famille a oublié de se déclarer à la mairie à son arrivée. Et que dire de la prime de réinstallation dont on ne peut bénéficier que si on est rentré chez soi après le 1er janvier 1945 !
Les demandes d'allocations sont une bonne occasion pour connaitre le niveau de vie des familles au moment de leur évacuation.
Les dossiers ont conservé la date de retour des évacués à leur domicile. Mais la réalité est difficile à percevoir : maisons détruites, zones minées, appartements pillés. Comment faire comprendre à un fonctionnaire qu’on ne peut pas rentrer ?
« Ma maison d’habitation à Sète n’est pas habitable. L’explosion d’un fort qui était à quelques deux cents mètres de chez moi a fait en sautant briser les tuiles et il pleut dans la maison. Ensuite les bombardements ont arraché les cadres des fenêtres qui sont face à la mer et brise toutes les vitres. Le souffle des bombes a également fait se crever les plafonds. Faute de matériel, je ne sais quand cela sera réparé. Toutes les maisons de la rue Villaret Joyeuse à Sète où j’habite sont toutes à peu près dans le même état car la rue est face à la mer.
Croyez, Monsieur le Maire, que malgré le cordial accueil que nous avons reçu de la part des autorités et de la population, cela serait avec plaisir que nous retournerions chez nous à Sète si cela était possible. »
La réponse de l’administration est laconique « demander attestation du maire de Sète »
De retour chez soi, il faut reconstruire, se reconstruire et tenter d’obtenir un dédommagement financier. Telles ont dû être les préoccupations des évacués de retour à la maison.
La loi du 28 octobre 1946 va fixer les modalités d'obtention des dommages de guerre. Le journal officiel du 2 septembre 1948 précise une liste des communes concernées, dont celles du département de l'Hérault.
Si votre ancêtre est concerné, le dossier d'indemnisation est à rechercher en priorité dans le département du sinistre.
La presse donne quelques informations d’ordre général sur les évacués héraultais. Mais si vous avez encore des ancêtres qui ont connu cette période, interrogez-les sur leurs souvenirs avant qu’il ne soit trop tard.
Vous pouvez également consulter la base de données gratuite qui contient une partie des réfugiés de l'Hérault venus en Aveyron.
Bonnes recherches !
© 2023 Généalanille
Article publié le 31 mars 2023
Pour tous les documents : collection personnelle
L'évacuation des populations du littoral méditerranéen
Pourtant, la guerre existe, et toutes les mesures de sécurité doivent être prises. A
Sète, par exemple, il ne devra demeurer, dans quelques semaines, que 11.000 personnes sur les 29.000 habitants qui y vivent actuellement. La ville est divisée en zones et, avant ce soir même. 1er mars, la première de ces zones, dans laquelle habitent 2.000 personnes environ, devra être évacuée.
Pourtant, sur les 18.000 personnes qui doivent quitter leurs foyers, 5.000 seulement acceptant de partir. Dès ces prochains jours, des appels seront adressés aux autres S'ils ne sont pas entendus, des mesures sévères seront prises par les services de la préfecture régionale de Montpellier.
Bientôt, les écoles de Sète seront fermées, et 4.000 enfants seront dirigés soit sur des camps scolaires, soit auprès de familles dans les départements d'accueil. En général, nous précise-t-on, les parents préfèrent voir leurs enfants repliés dans des familles plutôt que dans des camps scolaires. Pourtant, ces camps scolaires sont surveillés plus directement. Mais toutes les populations ne sont pas aussi indisciplinées que celle de Sète. Dans d'autres villes, au contraire, les évacuations se poursuivent plus normalement, et leur rythme suit fidèlement les plans prévus. Sur les 8.900 personnes qu'Agde comptait récemment, 2.500 habitants d'une première zone auront quitté ce soir leurs domiciles. Et, dans toutes les petites stations de la côte, de Palavas au Cannet, et en passant par Valréas, les évacuations, elles ne sont pas terminées, se poursuivent sur un rythme rapide. Les plages sont désertes et l'armée allemande veille».
Dans les villes de l'intérieur de la zone interdite, d'une profondeur de deux à dix kilomètres, des appels sont adressés aux populations pour que, comprenant les nécessités et les dangers de la guerre, elles évacuent volontairement et gagnent les lieux de repli désignée ou ceux où elles pourront s'établir. Et sans aucune perturbation, dans la vie qui continue au même rythme, des femmes, des enfants et des vieillards, dont la présence n'est pas indispensable, quittent leurs villes. Dix mille personnes sont déjà parties de Montpellier ; Béziers a vu s'éloigner 8.000 habitants ; Narbonne 12.000, tandis que Perpignan arrivait en tête avec plus de 17.000 évacuations.
Dans quelques jours, lorsque toutes les écoles et toutes les facultés des départements côtiers seront fermées, l'exode se précisera davantage encore. Certes cette migration pose de graves problèmes : il faut donner un maximum de sécurité et de confort aux évacués, il faut obtenir des wagons pour les convois, il faut créer des centres d'hébergement. Tout cela est difficile, mais il le faut, la guerre existe...
Extrait de Le petit Parisien du 1er mars 1944
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