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Le transfert des poilus défunts de Saône et Loire vers leurs communes

Le rapatriement des corps du front interdit puis organisé.

Dès les débuts des combats, les familles ont fait des demandes pour exhumer et rapatrier les corps des soldats morts pour la France dans leurs cimetières d’origine. En novembre 1914, le transfert de corps a été officiellement interdit dans la zone des armées sauf pour des causes sanitaires manifestes (corps à proximité d’habitations, ou de sources d’eau). Cette mesure visait non seulement des raisons d’égalités entre les familles (le cout de rapatriement étant à leur charge), mais aussi pour des raisons de guerre (éviter des civils dans les zones militaires), des raisons matérielles (les wagons, les hommes et les outils devaient rester à disposition des militaires « vivants »), et enfin des risques pour la population (problème d’hygiène à transférer des corps dans des états plus ou moins décomposés.)

 

En 1919, un projet de loi propose d’interdire le transport des soldats défunts jusqu’au 1er janvier 1922 pour laisser au ministère de la guerre le temps de créer des cimetières militaires dignes de ce nom et pour limiter les dépenses de transport en cette période de crise. En juin 1919, seules les exhumations pour regroupement de tombes sont autorisées, ce qui provoque des cas de transports clandestins de corps.


En 1920 des budgets sont débloqués à cette cause, la loi de finances du 31 juillet 1920 prévoit que le transport des corps des militaires peut être fait aux frais de l’état à partir du 1er décembre 1920. Des formulaires sont mis à disposition des familles pour celles qui souhaitent récupérer leurs défunts, sous réserve d’en faire la demande avant le 2 janvier 1921. Ce délai sera finalement reporté au 15 février 1921.

   

Certaines familles, trouvant le délai trop long vont remplir une demande, puis annuler cette demande et utiliser les services de pompes funèbres privées, payant à leurs frais le retour de leurs défunts (cas du soldat Raget )

   


Les gares régulatrices

L’exhumation est faite zone par zone et cimetière par cimetière et les corps sont acheminés des gares de chargement jusqu’aux gares régulatrices.

 

Au niveau national, quatre gares régulatrices sont mises en place pour organiser des convois cohérents en terme de zones géographiques de retour des cercueils. Pour la Saône et Loire, les gares de Creil, Brienne le Château et Marseille (pour les corps de l’armée d’Orient) seront les plus utilisées. Celle de Sarrebourg (des corps rapatriés d’Allemagne) n’enverra qu’un seul convoi avant fin 1923.

Les gares régulatrices constituent des convois de trains funéraires qui sont redirigés par les gares régionales (pour la Saône et Loire il s’agit de la gare de Dijon) puis répartis vers les gares départementales (pour la Saône et Loire, c’est la gare de Chagny qui assure ce rôle).

En parallèle, l’inspecteur régional de la gare régulatrice envoie un télégramme au préfet du département avec la liste des communes concernées, la date, lieu et composition du convoi puis confirme par lettre avec le détail des défunts et des adresses des familles.


La composition complète du convoi n’est pas toujours précisée mais elle s’élève par exemple à 26 wagons et 1008 corps en aout 1922, parmi eux 5 wagons seront destinés à la Saône et Loire.

 

Année Nombre de Convois Nombre de corps
1921 14 1543
1922 24 1686
1923 11 143
1924 8
1925 1
1926 50
1927 2

Les convois à destination de Chagny

49 convois sont arrivés à Chagny entre le 21 mars 1921 et le 19 septembre 1923. Les cercueils de soldats ont cependant été reçus jusqu’en octobre 1927, mais de manière moins régulière et par train « ordinaire. »

 

Le premier convoi est arrivé le 21 mars 1921 en provenance de Creil. Il comportait 7 wagons contenant 192 corps à répartir dans 132 communes.

Le convoi contenant le plus de corps a été le N°6 du 24 juin 1921 en provenance de Brienne le Château avec 8 wagons et 332 cercueils.

Sur l’année 1921, aucun convoi n’est arrivé à Chagny entre fin juillet et novembre de cette année.

85% des communes du département ont fait transférer au moins un corps. Certains cantons ont plusieurs de leurs communes sans transfert au frais de l’état.

Quelques soucis sur les premiers convois

Erreur de département: de mars à juin 1921, les convois contiennent des corps à destination d’autres départements, soit parce qu’ils sont limitrophes (Ain, Allier) soit par erreur. Le préfet doit alors prévenir ses homologues.
En trop ou pas assez:
 en mai 1921, le convoi N°4 ne contient pas le même nombre de cercueils que la liste l’annonçait, de plus, un corps non prévu a été reçu.
Des cercueils en mauvais état:
 en juin 1921, le convoi N°5 venant de Creil est annoncé comme étant de meilleur état que les précédents, car un seul cercueil coulait (soldat Chibert). Le même mois, un cercueil est resté en gare régulatrice (soldat Château) « car il coulait, il repartira d’ici 10 jours ». La gare les conserve afin de faire créer des enveloppes de bois qui les contient intégralement ce qui permet aux familles de les retrouver dans l’état où elles les ont vu si elles ont assisté à l’exhumation. Par exemple, la famille Château a assisté à l’exhumation à Commercy et a fait placer le corps dans un cercueil qu’elle a fourni elle-même. La plupart des familles n’assiste pas à l’exhumation et les corps ou les restes sont mis dans un cercueil en chêne fourni par l’état.
Deux cercueils pour le même poilu:
 en juillet 1921, la famille Monneret du Rousset a demandé le retour du corps de leur fils poilu enterré à Commercy. Dans le convoi du 24 juin sont arrivés deux cercueils portant le même nom, l’un à destination de la gare de La Guiche issu du 29ème RI expédié de Marbotte (55) et l’autre à la gare du Rousset issu du 29ème RI. La famille a estimé que c’était le corps arrivé au Rousset qui contenait leur fils, mais comme le deuxième corps ne pouvait être réexpédié les deux cercueils ont été enterrés dans le village lors d’une cérémonie rassemblant de nombreux habitants.
Le 31 aout, le corps arrivé à la Guiche est finalement déterré et renvoyé le lendemain à Commercy. Les frais de ce retour (315 francs) seront payés sur les crédits ordinaires. Après enquête, l’erreur venait du père qui avait noté Cimetière de Marbotte commune de Commercy, alors que Marbotte est à proximité de St Mihiel.

Pas la bonne gare:
 sur les convois suivants, mis à part à la réception d’un deuxième corps d’Adrien Raget en juin 1922 alors qu’il avait été inhumé en janvier 1921, on peut lire dans le dossier une seule autre erreur en janvier 1923 pour le corps Pierre Desbrosses qui a été expédié à Autun au lieu de Grury.

Le réseau ferré de Saône et Loire qui permet d’acheminer les corps jusqu’aux gares les plus proches des communes.

Les transferts vers les gares communales



Le préfet écrit aux maires des communes concernées quelques jours avant l’arrivée du convoi pour les informer de la liste des cercueils de « militaires morts pour la France et ramenés du front » afin de leur permettre d’avertir les familles concernées. Au début, il est demandé à chaque commune concernée d’envoyer un représentant à Chagny, cette démarche est supprimée assez rapidement et l’organisation mise en place permet de décharger le wagon en présence d’un commissaire spécial de police à Chalon sur Saône.
Les cercueils sont réexpédiés le lendemain par train de marchandises ce qui peut fixer une arrivée finale jusqu’à deux jours après le convoi.
Si les familles doivent récupérer les cercueils directement à Chagny pour les emmener en voiture, elles doivent au dépôt mortuaire (électrifié en avril 1921) le lendemain matin du convoi avec la lettre du maire ou une pièce justificative de celui-ci.
Les communes de réexpéditions ont été désignées dans le formulaire retourné avant février 1921, il arrive donc que les familles choisissent de changer la gare de destination (Mont St Vincent au lieu de Montceau les Mines pour Mme veuve Brot demeurant à Gourdon, St Marcel au lieu de Chalon sur Saône pour Mme Coulon-Treffort demeurant à St Christophe en Bresse, Lournand au lieu de Cluny pour la famille Pierre, Simandre au lieu de Cuisery pour la famille Jaillet) ou que l’adresse de la famille ne soit pas la bonne (Montceau les Mines et pas Sanvignes pour la famille de Jean Chavet).
Certaines gares peuvent êtres dans d’autres départements, par exemple la gare de Luzy dans la Nièvre pour un défunt de Marly sous Issy.

Des gares communales au cimetière.



La loi du 3 juin 1921 parue au JO du 4 juin 1921 oblige les communes aux tarifs suivants

Communes rurales dont la population agglomérée est inférieure ou égale à 1000 habitants.

Droit de manutention à la gare et au cimetière1 corps 10 francs, par corps en plus 3 francsTransport de la gare au cimetièrepour 1 corps 3fr par km, Par corps supplémentaire plus 1 fr. Minimum 10 frRéinhumation creusement et comblement de la fosse15 francs

Pour les villes de moins de 50000 habitants

Droits de manutention15 francs par corpsTransport de la gare au cimetièrepour 1 corps 6fr par km, Par corps supplémentaire plus 2 f. Minimum 25 frRéinhumation creusement et comblement de la fosse15 francs

Une fois arrivée dans sa commune d’origine, le corps est conservé soit au domicile de la famille soit dans des lieux appartenant à la commune en attendant la cérémonie funèbre.
Celle du soldat Mathely devra être reportée en 1923 suite au retard de 2 jours du train funéraire.
Selon les communes, les corps seront enterrés dans des emplacements choisis par la famille ou dans un « carré » du cimetière réservé par la mairie.

Sources: Projet de loi , Juin 1919 , 31 juillet 1920 , prolongation , M1710-AD71, M1713-AD71, ruedupetittrain.free.fr

© 2014 Généalanille Article publié le 23 avril 2014

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